mercredi 4 novembre 2009

Peur du déclassement ?? Paye ton bac 2450€ !

La France a peur. C'est Eric Maurin qui le dit, dans son dernier ouvrage paru dans la collection de La République des Idées, La peur du déclassement, une sociologie des récessions. Les français ont peur d'être déclassés, de perdre leur statut, leur position dans la société. Les familles ont peur que leurs enfants ne réussissent pas à atteindre le même niveau de vie que le leur, les jeunes sont conscients qu'ils vivront peut-être moins bien que leurs parents.

Pour Eric Maurin ce risque reste faible, réel mais faible, et surtout disproportionné avec la peur qu'il suscite. Cette disproportion n'aurait pour origine que la protection des statuts les plus enviés dans notre société salariale : en protégeant toujours les positions les plus enviables, on a augmenté terriblement le coût de l'éventuelle chute. "Plus les murailles qui protègent les statuts sont hautes, et plus la chute risque d'être mortelle - peu importe qu'elle soit improbable" nous dit l'économiste (un peu sociologue...)

E. Maurin nous apprend qu'en 2008, les jeunes sortis du système scolaire depuis moins de 5 ans sans aucune qualification avaient une chance sur deux d'être dans l'emploi (53%), quand ceux diplômés du supérieur ont plus de 9 chances sur 10 (93%). L'écart n'a jamais été aussi grand, le diplôme est plus que jamais protecteur, n'en déplaise à ceux qui pointent du doigt leur manque de valeur. Certains ont bien compris que cet écart était une source d'angoisse pour les familles, et que cette peur pouvait rapporter beaucoup. Ainsi on apprend cette semaine qu'Acadomia lance sa toute nouvelle formule, Bachelier ou remboursé. Pour 245€/mois, soyez assuré d'avoir le précieux sésame vers l'enseignement supérieur. Cynique non ?


Ps : J'aurai le plaisir de poser des questions à Eric Maurin dans le cadre d'une conférence à Rennes, aux Champs Libres, ce samedi 7 novembre à partir de 15h30. Entrée gratuite dans la limite des places disponibles, réservation : 02 23 40 66 00

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mardi 29 septembre 2009

Repassage pour les femmes, bricolage pour les hommes

La sociologie des rapports sociaux de sexe a encore du boulot...

C'était la première de "Tournez Manège !" hier soir sur Tf1, et en prenant la peine de chausser ses lunettes de sociologue, ça valait son pesant de cacahuètes. Tout le travail de Sylvette Denèfle, Annie Dussuet, Kaufman et De Singly... parti en fumée, en moins 15 secondes. Elle, avec son petit accent de Nancy, elle les aime "un peu macho", qui font le bricolage pendant qu'elle s'occupe du linge. Tant qu'il y aura du linge...



Les habitudes ont la peau dure, il semble toujours naturel que les tâches domestiques soient si inégalement réparties. Toutes les enquêtes emploi du temps des ménages le montrent, et si les tâches sont inégalement réparties quantitativement - en terme de temps de travail domestique - elles le sont également qualitativement.

Ces quelques secondes de programme télévisé nous renvoie directement aux travaux de Françoise Héritier. Dans Masculin/Féminin, l'ethnologue démontre que la différence de sexe structure toute la pensée humaine qui finalement repose comme premier critère de classement sur les concepts d'identité et de différence. On oppose homme et femme comme on oppose chaud et froid, extérieur et intérieur, sec et mouillé, vif et inerte, etc... Et chaque culture construit cette différence à sa manière. Pour revenir à notre exemple et dans nos sociétés occidentales contemporaines, c'est aux hommes que semblent revenir naturellement les travaux d'extérieurs (jardinage, bricolage, entretien du véhicule et des façades du logement), pour les femmes les travaux d'intérieur (au point que dans les enquêtes on retrouve un vrai clivage entre plantes d'extérieur, entretenues souvent par les hommes, et plantes d'intérieur arrosées par les femmes).

Pour les femmes la saleté du quotidien, des travaux le plus souvent invisibles car il faut les refaire tous les trois jours. Pour les hommes les taches qui se donnent à voir : jardinage et bricolage ont des résultats visibles et durables, qui pourront être exposés à des regards extérieurs au ménage, l'homme pourra en tirer une reconnaissance. On a encore jamais vu quelqu'un s'esbaudir devant la propreté d'un carrelage. La particularité des lieux de travail domestique des femmes, c'est qu'on ne les remarque que s'ils sont sales.

Du point de vue de la charge psychologique, on jardine, on bricole pour penser à autre chose. Mais la charge mentale de la programmation des différentes taches, la prévision des courses et de leur liste, c'est aux femmes que cela revient.

Des gants Mapa universellement roses, impossible à trouver en grandes tailles pour des mains d'hommes, jusqu'à la toute dernière pub Persil, tout semble fait pour cantonner les femmes dans leurs buanderies.



Pour finir sur une petite note d'humour, rappelons nous quand les inconnus sévissaient encore à la télé.



Pour aller plus loin :
Sylvette Denefle, Tant qu'il y aura du linge à laver, Paris, Arlea-Corlet, 1995
Annie Dussuet, Logiques domestiques, essai sur les représentations du travail domestique chez les femmes actives de milieu populaire, L’Harmattan, 1997
Jean-Claude Kaufman, La Trame Conjugale - Analyse du couple par son linge, F Nathan, 2000
Dumontier, Guillemot, Meda, Evolution des temps sociaux au travers des enquêtes emploi du temps des ménages, Economie et Statistique, INSEE, 2002

L'INSEE est en train de procéder à une nouvelle enquête emploi du temps des ménages en cette fin d'année 2009, la dernière enquête de ce type datant de 1999.

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Des nouveaux blogs chez Alternatives Economiques

Le mois de septembre a vu fleurir les blogs du côté de chez Alternatives Economiques, le mensuel bien connu. Alors que je suis plongé dans la lecture de l'ouvrage de Camille Peugny, Le Déclassement, je découvre que ce dernier fait partie des néobloggeurs de chez AlterEco. Pleins de nouveaux billets à lire donc.

Camille Peugny, sociologue
Alain Lipietz, économiste et homme politique
Arnaud Lechevalier, économiste.

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dimanche 13 septembre 2009

Dérapages communicationnels

Un doigt d’honneur, le racisme ordinaire d’un ministre, de petits employés triés sur le volet, des parents d’élèves encartés, des communiqués ratés… Comment les représentants de l’actuelle majorité politique peuvent à ce point perdre le contrôle de leur image, à l’heure de la professionnalisation de la communication politique, des trainings et autres spin doctors ?


Le moins que l’on puisse dire c’est que la rentrée est difficile dans la sphère politique, de chaque côté du clivage. Des questions de démocratie interne resurgissent à gauche, pendant qu’à droite c’est la perte de contrôle du véhicule communication. Vous trouverez en fin de billet le florilège des dérapages écrits, filmés, enregistrés qui sont apparus dans les medias ces derniers jours.

A l’heure où la communication politique a achevée sa professionnalisation, où les dirigeants politiques utilisent (pas tous mais une bonne partie) largement les médias numériques, il est plutôt étonnant de voir se succéder ces boulettes. Certains diront que c’est là une dérive liée justement aux nouveaux medias et à Internet ; chaque individu doté d’un téléphone mobile avec fonction vidéo deviendrait l’œil de Big Brother et participerait d’un système totalitaire où tout serait visible, contrôlé, disséqué. C’est la position notamment d’Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy, qui juge que « la transparence absolue, c’est le début du totalitarisme. […] Internet ne peut pas être la seule zone de non droit, la seule zone où aucune des valeurs habituelles qui permettent aux gens de vivre ensemble ne soit acceptée. »

On ne peut qu’acquiescer à ces propos apparemment emplis de bon sens, mais ceux-ci sont particulièrement en décalage avec le contexte et les évènements desquels ils sont la réaction. Pour se défendre, les dirigeants politiques attaquent, mais c’est un coup d’épée dans l’eau. En effet si la transparence absolue c’est le totalitarisme, en revanche la transparence absolue de la vie publique, c’est le début de la démocratie. Or il ne s’agit là que de moments plus ou moins insérés dans la vie publique : vie du parti politique majoritaire, intervention de ministre et du président « sur le terrain ». Bref, on n’est absolument pas dans le domaine de la vie privée des individus.

De plus il ne s’agit aucunement de vidéos « volées » ou réalisées par des internautes piégeant les protagonistes, mais à chaque fois ce sont des caméras de télévision (Canal+, Public Sénat, TSR, France2) qui rapportent les dérapages et les supercheries de dirigeants parfaitement conscients d’être filmés.

Le seul cas qui est mêlé au réseau Internet est le cas de la vidéo montrant l’ex-ministre de l’Identité Nationale tenant des propos relevant du « racisme ordinaire » dans un registre qui se voulait humoristique. En effet, ces images filmées par une équipe de télévision ne vont pas être diffusées par la chaîne. Mais elles vont quand même circuler dans les rédactions des medias de presse écrite avant d’être rendues publiques par le journal Le Monde sur son site Internet.

Cette mise en lumière est à la fois une double bonne nouvelle, et une mauvaise nouvelle.

Commençons par la mauvaise nouvelle. Le divorce des citoyens d’avec la classe politique ne peut être que renforcé par ce genre d’images. Si les électeurs sont toujours au rendez-vous lorsqu’ils ont l’impression que leur vote compte (référendum sur le TECE, 70% de participation ; présidentielles 2007, 84%) et qu’ils demandent plus de politique, ils restent très méfiants à l’égard de la classe politique et de ses institutions (partis, gouvernement, parlement). Nul doute que ces évènements risquent de les conforter dans cette attitude.

La bonne nouvelle, c’est que dans les liens complexes qu’entretiennent les champs politiques et médiatiques, il y a toujours un certain désalignement entre les deux qui poussent les journalistes à aller plus loin que le seul relai de la parole publique. Philippe Riutort, dans Sociologie de la communication politique, évoque cela :

la généralisation, à l’initiative des conseillers en communication, du spin control (le fait de « mettre en condition » les journalistes afin qu’ils retiennent du discours politique uniquement ce qu’en souhaite l’émetteur, lui livrant des confidences, jouant habilement du « off », l’alimentant en permanence en « informations ») conduit, par réflexe d’autodéfense professionnel, les journalistes politiques à se livrer, dans leur couverture de la politique, de façon croissante, au dévoilement des « artifices » et des « mises en scène » de la politique

La conséquence de ceci n’est autre que la confirmation que la liberté de la presse est toujours d’actualité. Et c’est plutôt une deuxième bonne nouvelle. Internet joue d’ailleurs un rôle d’aiguillon vis-à-vis de la presse classique dans la mesure où le choix de montrer ou non certaines images est plus lourd de conséquences. En effet, ne pas montrer une image qui in fine se retrouve sur internet et rencontre un certain succès, c’est prendre le risque d’un questionnement en retour sur la non diffusion des images. Preuve à l’appui, la liberté de la presse est encore une réalité


Le doigt d’Eric Besson (Canal+)

Le racisme ordinaire de Brice Hortefeux (Public Sénat)

Les petits ouvriers de Sarkozy (Télévision Suisse Romande)

Luc Chatel et la « parent d’élève-conseillère municipale UMP » (France 2)

Luc Chatel et l’orthographe (Le Point)
Luc Chatel commence mal son année scolaire. Le ministre de l'Éducation nationale a fait distribuer aux journalistes lundi un dossier de presse consacré à la rentrée scolaire truffé de fautes d'orthographe. Tout y passe : accords oubliés, conjugaison piétinée, erreurs de syntaxe... Morceaux choisis : 

- "La rèforme de l'enseignement primaire, qui est entré en application à la rentrée 2008, s'appuie sur des horaires etdes Les programmes, redéfinis par arrêtés du 9 juin 2008 qui s'articulent avec les sept grandes compétences du socle commun." 

- "En 2009 se sont 214.289 élèves qui ont suivi... " 

- "Ces formations concerneront prioritairement les enseignants qui exercent pour la première fois en école maternelles ." 

La rue de Grenelle, bien embarrassée par cette mauvaise publicité, a rapidement apporté "quelques petites corrections au dossier". Le correcteur automatique d'orthographe a été activé et le document est désormais disponible sur le site internet du ministère de l'Éducation nationale... sans faute. 

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mercredi 9 septembre 2009

Les filles et les concours

Lu chez Tom Roud en réaction à l'article du Monde intitulé "Les filles brillent en classe, les garçons aux concours" :

Il ne viendrait à l’idée de personne de remettre en cause l’existence et la logique du sacro-saint concours. Si l’on considère que les performances en classe, les mentions, les représentations en bonnes prépas … bref, les dossiers scolaires, constituent un bon indicateur du niveau, pourquoi alors conserver un concours ?


Je crois que les écrits de Pierre Bourdieu peuvent nous aider à répondre à la question. Dans un court texte "Culture et Politique" publié dans Questions de sociologie (1980), Bourdieu évoque les concours. Ceux-ci sont très pratiques pour produire de la différence là où il n'y en avait pas, et c'est probablement pour cela qu'ils sont encore très prisés dans le recrutement.
La magie sociale peut transformer les gens par le fait de leur dire qu'ils sont différents ; c'est ce que font les concours. Le 300ème est encore quelque chose, le 301ème n'est rien).


Quand Bourdieu cite cet exemple, c'est justement pour expliquer pourquoi on reconnait moins de compétence politique aux femmes qu'aux hommes. Et finalement il explique que n'importe quelle compétence, qu'elle soit technique, politique ou autre, est toujours une compétence sociale : il faut savoir se faire reconnaitre comme digne de disposer du droit et du devoir d'intervenir sur tel ou tel chose. Autrement dit, la compétence technique existe, mais elle est d'autant plus grande qu'elle est reconnue socialement.
La différence entre les hommes et les femmes (...) est fondée sur un coup de force social, sur une assignation à compétence. La division du travail entre les sexes accorde à l'homme la politique, comme elle lui accorde le dehors, la place publique, le travail salarié à l'extérieur, etc., tandis qu'elle voue la femme à l'intérieur, au travail obscur, invisible et aussi à la psychologie, au sentiment, à la lecture de romans, etc. Même si les choses ne sont pas si simples...


Et même 30 ans après l'écriture de ces lignes, les disparités restent très grandes.

Pour ne citer que des professions dont l'accès est sanctionné par un concours, rappelons que si 57% des fonctionnaires de catégorie A de la fonction publique d'Etat sont des femmes, elles ne sont que 16% dans les emplois dits supérieurs, et 10% dans les emplois à discrétion du gouvernement. Incompétence ou discrimination ?
De même que la filière universitaire est très révélatrice : depuis longtemps les filles sont plus nombreuses que les garçons au niveau Bac, elles le restent jusqu'au niveau Master. Côté professionnel de l'enseignement supérieur : 32% des enseignants-chercheurs sont des femmes, la part tombe à 17% chez les professeurs d'université, et 10% chez les présidents d'Université (Manuel C me corrigera au besoin). Dans la fonction publique territoriale, plus de 50% de femmes chez les attachés et autres catégorie A, mais moins du quart des Directeurs Généraux. Le concours ne protège pas.

Source : Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Editions de Minuit, 1980, pp.239-241.

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mardi 25 août 2009

Les bonnes choses ont une fin

Finies, les vacances. C'est la rentrée qui se prépare. J'en profite ce matin pour passer en revue ma blogroll, et signaler ainsi les ajouts indispensables :

-> Economie
Blogage sur l'économie internationale, le blog de Fabien Candau, Maître de Conf à l'université de Pau
Eco Inter-Views, le blog de Patrice Cassagnard, Maître de Conférences à Bordeaux et Denis Gouaux, Docteur.
Economie Positive, par Propspero, docteur en économie
Que disent les économistes ?, par Yannick Bourquin, doctorant à l'ENS Cachan.

-> Sociologie
Socio Voce (désolé Fred&Ben pour ce retard à l'allumage, je garde votre ancien site en lien quand même)
Une année d'articles sociologiques, le blog d'un panda qui se met au défi de publier toutes les semaines un billet sur un article sociologique.

Pour visiter, les liens sont dans la colonne de gauche.

A noter également, la parution de Tous les pays du monde 2009, le numéro de P&S de l'INED qui condense en 4 pages toute la démographie mondiale. Un must have pour tous les profs de SES et d'Histoire-Géographie, et pour tous ceux que ça intéresse d'avoir un instantané démographique de notre planète.

Photo : Blue par Pierre M sur Flickr

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jeudi 23 juillet 2009

Jeanbart et Bourdieu

Le directeur politique d'Opinion Way a vu ses propos rapportés comme tels dans un article paru hier sur le site www.lemonde.fr :

En France, une école de sociologie a toujours critiqué les sondages, c'est l'école bourdieusienne, qui prône le qualitatif par rapport au quantitatif.
C'est moi qui souligne.

Apparemment Bruno Jeanbart n'a pas bien lu Pierre Bourdieu. Dès ses premiers travaux sur la société Kabyle alors qu'il est encore assistant à Alger, P. Bourdieu croise les différentes méthodes d'enquête sociologique, qu'il s'agisse de l'enquête statistique, de l'entretien, de l'observation ethnographique, ou du travail sur archives, etc... Et on n'imagine mal Bourdieu et Passeron se passer de l'outil statistique pour des oeuvres telles que Les Héritiers ou La Reproduction. Bourdieu n'a donc jamais prôné le qualitatif par rapport au quantitatif. Pourquoi le sociologue devrait-il se priver d'un outil ? Certes il s'en est pris au sondage d'opinion et à leur construction dans Questions de sociologie (j'en parlais là). Mais ce n'est pas pour autant qu'il reniait les apports d'un outil aussi précieux que les enquêtes stats. Seulement, en bon sociologue, il questionnait sa propre méthodologie, qu'il s'agisse de la qualité des questions d'une grille d'entretien, ou de la pertinence des catégories construites pour une enquête quantitative.

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mercredi 22 juillet 2009

Mes vacances en direct sur facebook


J’observe depuis quelques jours un phénomène nouveau. Sur facebook, le réseau social désormais bien connu d’une bonne partie des internautes, on voit apparaître de plus en plus de photos de vacances. Des photos de vacances il en existe depuis que la photographie s’est démocratisée et que tout un chacun a pu capturer l’image comme bon lui semblait. Ce qu’il y a de nouveau, c’est que ces photos sont rendues (semi)publiques quasiment dans l’instant où elles sont prises. En tout cas la possibilité existe, et de mes contacts partis en vacances, nombreux sont ceux qui nous font partager leur expérience presque en direct, surtout les possesseurs d’iPhone. Et cela m’interroge pas mal...

L’iPhone a permis aux opérateurs de téléphonie de réussir là où ils avaient échoué avec le MMS. Il n’a jamais été aussi facile de prendre des photos et de les transmettre à un correspondant ou à une plate-forme de réseau social de type facebook. Le nombre d’iPhone dans le monde (même s’il reste encore l’apanage d’un groupe limité d’habitants des pays du Nord) est impressionnant : les ventes du téléphone d’Apple ont connu une progression de plus de 600% en un an et ceux-ci représente 50% du traffic web mobile aux Etats-Unis. Il n’a pas fallu très longtemps aux constructeurs historiques de téléphones portables et PDA pour s’engager sur la voie tracée par la marque à la pomme et disputer sa rente de monopole (voir les Nokia N97 ou Palm Pre). On a d’ailleurs là une illustration parfaite de ce que Joseph A. Schumpeter nommait une grappe d’innovation : la conjonction de la miniaturisation de la photo et de l’informatique, les innovations en matière de réseau de communication (la norme 3G) et de technologie web. La communication par message visuel est devenue, grâce à cela, réalité. Dès lors il n’est plus rare de voir apparaitre les photos personnelles de ses contacts sur son ordinateur, quelques instants seulement après qu’elles aient été prises, dans un dossier intitulé le plus souvent « Téléchargements mobiles ».

Définis par notre « agir » plus que par notre « être »

Il est clair que les réseaux sociaux modifient profondément les règles de la sociabilité, les manières d’entretenir ses relations amicales, professionnelles, familiales, son capital social pour aller vite (pour un éclaircissement sur les relations capital social/réseau social). Le sociologue Dominique Cardon (France Telecom R&D/EHESS) évoque les « traces » que laissent volontairement les individus sur facebook et dans lesquelles on vient marcher à leur suite. Untel a vu tel film, critiqué tel ouvrage, cela m’apprend des choses sur ses goûts culturels, il me recommande tel lien, tel article, telle vidéo, il était à tel endroit et il lui est arrivé telle chose. Finalement je suis souvent mieux informé sur les détails de son quotidien que ses propres parents ou enfants. Le lien qui se construit est donc autrement plus riche qu’auparavant puisque je peux converser comme je le souhaite avec lui, en direct ou en différé, sur des sujets qui nous rapprochent.

Les réseaux sociaux influencent aussi la manière de construire sa propre identité. D. Cardon montre bien, à partir d’une typologie des différents usages du web2.0, comment les sites de réseaux sociaux accentuent la subjectivation, c’est-à-dire la construction, par l’individu lui-même, d’une identité personnelle qui fait sens, et ce de manière plus ou moins autonome par rapport à ses caractères objectifs (je reviendrai probablement sur ce point plus tard tant il est au cœur de la sociologie contemporaine). Cette identité « numérique » ne serait plus construite à partir de ce que l’on est, comme l’identité civile, mais bien plus à partir de ce que l’on fait. Et à bien y réfléchir, il est effectivement plus révélateur de voir que tel ou tel contact a répondu à tel quizz, que les réponses mêmes qu’il a apporté aux questions du quizz. De même que par le message d’état ou les photos partagées, on construit son identité à partir de ce que l’on fait « ici, maintenant, et avec untel ». Dernier exemple, celui de l’engagement : en adhérant à un groupe ou à une cause en relation avec une activité personnelle effective, on donne à voir à travers ce que l’on fait, qui l’on est.

Confusion des groupes et relation au temps

A cette profusion de comptes-rendus d’activités diverses à toutes heures du jour et de la nuit je vois deux risques. Premièrement la confusion des groupes socialisateurs. Si facebook permet de recréer un entre-soi relativement bien gardé (voir la notion de « clair-obscur » utilisée par D. Cardon pour décrire les espaces de conversation qui ne sont pas destinés à tous les internautes) les frontières entre les différents groupes sociaux dans lesquels les individus s’inscrivent sont extrêmement poreuses. Même s’il est possible d’établir des listes, de gérer les droits de vos contacts en terme d’accessibilité au contenu que vous produisez en ligne, dans les faits une fois que vos collègues de travail intègrent la sphère semi-privée de vos contacts, ils pourront voir vos photos de famille et inversement. Et vous assistez parfois à une discussion improbable entre un camarade retrouvé de l’école primaire et votre collègue de bureau à propos d’une photo sur laquelle votre coupe de cheveux de CM1 est bien risible. Ici l’exemple est plutôt drôle, mais il y a parfois des « frottements » inhérents au fait que se mélangent des groupes tels qu’amis, collègues, membres des associations et groupes formels auxquels vous adhérez, membres de la famille voire même parfois quelques inconnus ou quelques personnages politiques ou médiatiques. Et que certaines informations échappent à votre contrôle, ou plus précisément n’échappent pas au contrôle interpersonnel alors que vous ne les destiniez qu’à quelques uns. Dans la vie physique, certaines instances de socialisation peuvent entrer en concurrence plus ou moins frontale entre elle (on pense à l’école et la famille par exemple). Il peut en être de même sur facebook dans la mesure où tous ces groupes se retrouvent mélangés.

Deuxième risque, la question du temps, de sa prise en compte, du rapport que l’on entretient avec lui. Facebook provoque à peu près la même chose avec l’information personnelle que ce que font les media avec l’information en général. Sa diffusion est accélérée, et elle s’accumule au fil des détails renseignés par les contacts, jusqu’à submerger le récepteur. Et on cherche toujours à renseigner ces détails le plus rapidement possible. Dans un premier temps on renseignait l’humeur du moment en allant sur le site www.facebook.com. Ensuite on a pu le faire à partir d’autres applications en interconnexion avec le site : twitter, netvibes, ou autre. Après on a eu la possibilité de renseigner sa page par téléphone, avec un SMS envoyé à un numéro spécial. Enfin une application permet de retrouver tout facebook depuis son iPhone ou autre terminal du même genre. Si bien que l’on communique dans l’immédiat certains éléments.

J’en reviens donc à ma question de départ, celle des photos de vacances. Auparavant on racontait à son retour ses souvenirs de voyages, ses souvenirs de vacances à son réseau de connaissances. On faisait partager les odeurs, les paysages, les rencontres, les péripéties, après les avoir reconstruit et intégré dans un schéma narratif, mettant en exergue un détail, oubliant un autre. A présent on peut en plus communiquer son expérience immédiate ; presque plus besoin de raconter les souvenirs, les amis seront prévenus quasiment en temps réel, et le reste des contacts aussi. Par la même occasion, on reste informé des activités des autres, on commente telle ou telle information. Seulement le temps des vacances, pour ceux qui ont la chance d’en prendre, est un temps social particulier, dans lesquels de nouveaux rythmes ont cours, différents de ceux du quotidien. Ce temps social est particulier parce que c’est un temps de non-travail, or on a démontré que c’est bien le travail qui est l’élément qui structure le temps. Les vacances les plus reposantes sont bien celles qui permettent le break avec l’organisation temporelle liée au travail, et plus largement tout ce qui touche à l’activité ordinaire. De la même manière que les employeurs fournissent blackberry et iPhone à leurs cadres pour les rendre joignables et disponibles, les individus sont capables de se contraindre eux-mêmes à des stratégies non conscientes qui leur permettent de continuer à exister, à construire leur identité numérique, même à mille kilomètres de leur quotidien.

[EDIT : 23/07/09] J'apprends via Blog de Nuit que Facebook et Twitter ont dépassé l'e-mail en terme de partage de contenu.

Afin d'illustrer mon propos, quelques morceaux choisis de ce qui retourne après une recherche rapide sur les blogs français à partir des mots clés "Facebook" et "Vacances" :
- Tamtam's weblog : "Tatam prends des vacances … Tout comme son auteur pour une durée d’un mois et quelques jours. Bien entendu, Facebook, Twitter, Flickr et ici même (enfin normalement) seront à jour au moins une fois par semaine. Pas d’inquiétudes à avoir donc."

- Juju alias PrincessKitty : "Holidays Pictures. Pour ceux qui m'ont sur Facebook-pour les autres tant pis-vous pouvez découvrir mes photos de vacances en cliquant sur les images ci-dessous" (à noter que PrincessKitty ne semble pas savoir gérer les droits d'accès à ses photos. Si sont profil facebook n'est pas public, ses dernières photos de vacances à Antibes le sont).

- Filles à blog, le blog tenus exclusivement par des filles qui travaillent pour le magazine L'Etudiant, font la publicité de l'annuaire qui recense les hot spots wifi. Avec ce petit commentaire on ne peut plus suggestif : "Impossible de ne plus consulter Facebook ou letudiant.fr pendant les vacances. Le site linternaute met à votre disposition l’annuaire des hotspots wifi partout en France. Plus de 7000 sont référencés. Alors si vous passez vos vacances dans l’Hexagone, plus d’excuses pour rester out of order."
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Pour en savoir plus sur les sciences sociales et les réseaux sociaux, en video :

Internet, nouvel espace démocratique ?
Entretien avec Dominique Cardon


Dominique Cardon : le design de la visibilité (40')


Sur le ARHV
Dominique Cardon, Pourquoi sommes nous si impudiques ? 12 octobre 2008

Sur InternetActu, site de la Fing, par D. Cardon :
Le design de la visibilité : un essai de typologie du web 2.0

Les sciences sociales et le web 2.0 : Comprendre les sites de réseaux sociaux (1/7)

Les sciences sociales et le web 2.0 : L’identité comme signal (3/7)

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mercredi 8 juillet 2009

Reprise de l'activité (tout doux, tout doux)

Le rush de la fin d'année scolaire n'est pas le meilleur ami du blogeur, loin de là. Je me rends compte que je ne suis pas le seul à connaître un rythme de publication ralenti (c'est un euphémisme) : la blogosphère économique et sociale me semble avoir relativement perdu un peu en endurance. Mais peut-être n'est ce qu'une illusion d'optique. En tout cas il reste encore quelque fous furieux qui postent plusieurs fois par jour (Wahou, mais comment fait il ?). D'autres ont choppé une bonne vitesse de croisière (ici par exemple). Et les valeurs sures sont toujours au rendez-vous ( et ).

Ces derniers temps j'avoue être plus dans la veille que dans l'analyse et la rédaction. C'est pourquoi je vous propose quelques liens à ne pas manquer cette semaine (sélection multimédia, avec respectivement des videos, du son, du texte et des graphiques) :

- Internet, nouvel espace démocratique ? Entretien avec Dominique Cardon, sociologue
- Comment mesurer autrement richesse et progrès ? Avec Dominique Meda, philosophe et Jean Gadrey, économiste
- Le vieillissement démographique sera plus rapide au Sud qu'au Nord, Gilles Pison, démographe (INED).

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jeudi 7 mai 2009

les sociologues et le virus H1N1


Parce qu'il n'y a pas que la biologie dans la vie, des sociologues bloggeurs se répondent au sujet de la grippe A ou du virus H1N1 ou encore le swine flu pour nos amis d'outre-manche et outre-atlantique (où se trouvent d'ailleurs les deux bloggeurs en question).

Pour en savoir plus :
Damien Babet, La grippe porcine est déjà internationale, ContreBande, 27 avril 2009
Christine Monnier, Moral Panic Versus Risk Society, The GSB, 3 mai 2009
Damien Babet, Les bonnes raisons de paniquer, ContreBande, 5 mai 2009

Photo : 2009 swine flu outbreak, The Big Picture, 6 mai 2009

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dimanche 3 mai 2009

Un emploi intérimaire sur cinq a disparu en 1 an

Entre le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2009, un emploi en intérim sur cinq a été détruit en France. C'est ce que montre la DARES dans le dernier numéro de Premières Synthèses. Cette diminution n'a pas de précédent, et conduit l'intérim a retrouver son niveau des années 90. Sans surprise, ce sont dans les secteurs de l'industrie et de la construction que l'intérim reculent le plus. Les intérimaires ont payé au prix fort la défiscalisation des heures supplémentaires.

Que la part des actifs en intérim recule en temps de crise, ce n'est pas étonnant. Mais ce qui l'est plus, c'est la rapidité de cette décrue :

Volume de travail temporaire en équivalents-emplois à temps plein et nombre d'intérimaires en fin de trimestreSource : DARES, Pôle emploi

On peut voir sur ce graphique que la chute intervient dès le début du premier trimestre 2008. A cette période, on est encore en pleine affaire Kerviel, la crise des subprimes en est à ses débuts, on n'a pas encore entendu parlé des problèmes de Lehmann Brothers aux USA et de la Northern Rock en Europe, mais les économistes se demandent en combien de temps la crise financière va se transformer en crise économique. Pendant ce temps là, les anticipations des entrepreneurs les conduisaient déjà à ne pas renouveler les contrats à durée déterminée et ceux des intérimaires, plutôt qu'à diminuer le recours aux heures supplémentaires.

En effet, habituellement, la première variable d'ajustement ce sont les heures supplémentaires et le chômage partiel.

Nombre moyen d’heures supplémentaires trimestrielles déclarées par salarié à temps complet*

(*La rupture au 4e trimestre 2007 s'explique par le fait que "les entreprises (...) omettaient sur les années récentes de déclarer à l’enquête une partie des heures supplémentaires régulièrement travaillées". L'entrée en vigueur de la défiscalisation des heures supplémentaires a incité les entreprises à déclarer ces heures supplémentaires aux enquêtes de la DARES. La découverte de ce biais de sous-déclaration vient amplifier l'effet d'aubaine constitué par cette défiscalisation.)

Le graphique 2 montre bien, en comparaison avec le graphique 1, que l'étape de la réduction des heures supplémentaires n'a jamais eu lieu dans le cas français, et ce sont les CDD et les intérimaires qui ont été directement touchés, avec au passage des conséquences catastrophiques sur l'emploi des jeunes, surreprésentées dans ces formes d'emplois précaires. En 2009, la troisième étape de la crise économique est atteinte, celle des licenciements et des fermetures d'entreprises.

Pour aller plus loin :
L’emploi intérimaire au 4eme trimestre 2008 : un recul sans précédent de l’intérim, DARES, avril 2009.
Les heures supplémentaires au 4eme trimestre 2008, DARES, avril 2009
La défiscalisation des heures sup a accéléré la hausse du chômage, interview de Eric Heyer, Le Monde, 11 mars 2009

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jeudi 30 avril 2009

web 2.0


On fait beaucoup dans le web 2.0 sur ce blog depuis quelques temps. Je signale ici la sortie du numéro 154 de la revue Réseaux. Revue de sociologie consacrée à la communication, aux télécommunications, aux médias, elle existe depuis 1983. Longtemps publiée dans la collection Hermès aux éditions Lavoisier, on trouve maintenant les résumé et tables des matières du côté de La Découverte. Le dernier numéro est justement consacré au Web 2.0 et en voici la présentation :

Si les plateformes relationnelles du Web 2.0 font beaucoup parler d’elles aujourd’hui, les analyses empiriques des pratiques concrètes des utilisateurs restent en revanche mal connues, si ce n’est pour moquer leur caractère infantile ou s’inquiéter des risques qu’y prennent les utilisateurs en livrant des informations sur leur vie personnelle. Pourtant, ces nouveaux sites relationnels (MySpace, Facebook ou Flickr) posent des questions très intéressantes et nouvelles. Que signifie devenir « ami » dans ces espaces relationnels, où il semble si facile de créer de nouvelles connexions avec des personnes que l’on connaît peu, mal ou pas ? Comment se développent et s’organisent les pratiques des utilisateurs ? Existe-t-il un lien entre le nombre d’informations dévoilées sur soi et la capacité relationnelle des individus ? Ce numéro spécial entend interroger, dans toute leur diversité, les usages de ces plateformes relationnelles. Les articles qui le composent s’appuient sur des enquêtes empiriques détaillées de Flickr, Wikipédia, Second Life et de la blogosphère politique française. À travers des analyses statistiques et qualitatives de la vie relationnelle sur ces plateformes, il sera possible de mieux répondre à un ensemble de questions qui se posent aujourd’hui de façon récurrente à propos des réseaux sociaux de l’Internet. Comment s’articulent les relations de la vraie vie et les relations avec les « amis » en ligne ? Comment s’organisent les systèmes relationnels sur Internet ? Quelles procédures sont mises en place pour régler les conflits et assurer la gouvernance des grands collectifs en ligne comme Wikipédia ? Comment se diffusent les informations et les opinions au sein de la blogosphère politique ?
Plus d'infos sur le site de La Découverte

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lundi 27 avril 2009

Facebook et les études

Lu dans l'excellente-revue-de-presse de ce jour de Philippe Watrelot :

Selon une étude de l'université de l'Ohio, rapportée par 20 minutes la corrélation est avérée entre le temps passé sur "FB" et des notes moyennes. "Il y a une déconnexion entre l'affirmation des étudiants selon lesquels le fait de passer du temps sur Facebook n'a aucun impact sur leurs études et nos conclusions qui montrent que leurs notes sont plus basses et qu'ils passent moins de temps à leurs études", note Aryn Karpinski, post-doctorant en sciences de l'éducation à co-auteur de l'étude. Ce qu'il faut retenir tient en peu chiffres. Les étudiants qui sont sur Facebook (plus fréquents dans les sciences dures qu'en sciences sociales, bizarrement) consacrent en moyenne 11 à 15 heures par semaine aux études hors cours, contre 1 à 5 heures pour les Facebookers. Evidement, les notes s'en ressentent, quoique de façon non proportionnelle.

Maintenant il faudrait faire une étude docimologique : est-ce que les notes des élèves corrigés par des profs qui "facebookent" sont meilleures ou plus mauvaises que s'ils sont corrigés par des non pratiquants de facebook ??

A ce propos, mais plus sérieusement, Christelle Membrey aborde la question de la gestion de leur identité numérique par les professeurs et c'est très intéressant. Un autre blog à suivre de près, assurément.

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vendredi 24 avril 2009

Les jeunes face à la crise

Si vous l'avez raté ce matin, l'interview de Camille Peugny et Cécile Van de Velde est disponible en video :

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mercredi 22 avril 2009

Le directeur financier de Freddie Mac retrouvé mort : suicide anomique ?

Ce matin j'abordais en cours de Terminale le concept d'anomie chez Durkheim, notamment à partir de sa célèbre étude sur le suicide (pour en savoir plus sur les typologies, voir en fin de note). Pour illustrer le suicide anomique, nous avons étudié un texte de H. Mendras dans lequel celui-ci revient sur les formes d'anomie aiguë mis au jour par E. Durkheim. J'ai donc fait un aparté sur le fait que la crise financière et économique actuelle allait selon toute probabilité apporter son "contingent de morts volontaires", selon la formule bien connue. Je ne croyais pas si bien dire, à l'heure où je faisais mon cours le directeur financier de Freddie Mac était retrouvé mort, très probablement suicidé... Coïncidence...
Le directeur financier de Freddie Mac retrouvé mort, LeMonde.fr et AFP, 22 avril 2009


Pour en savoir plus sur le suicide vu par Durkheim :
- si vous êtes pressés, cet article Wikipédia, mais il est incomplet et approximatif. Classer les kamikazes parmi les suicides fatalistes, je doute...
- si vous avez 5 minutes, passez chez Claude Bordes. Article beaucoup plus détaillé et rigoureux.

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mardi 21 avril 2009

Agrégation : il était chaud celui là !

Aujourd'hui composition de sociologie. Même type d'épreuve qu'hier :

"Les facteurs de diffusion de la culture"
Ah... on fait moins le malin maintenant !

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lundi 20 avril 2009

Agrégation : un sujet d'actualité

Aujourd'hui s'est déroulée la première épreuve de l'agrégation de sciences économiques et sociales cuvée 2009. Tradition oblige on commence par la composition en économie : une dissertation, sans document, durée 7 heures, avec pour sujet

L'intervention coordonnée des Etats peut-elle assurer la stabilité du système bancaire international sans engendrer des comportements d'aléa moral ?

Reformulons le sujet : Washington aurait-il du appeler Paris, Pékin, Londres et Tokyo pour savoir s'il fallait ou non lâcher Lehman Brothers pour l'exemple ?

Ca c'est du sujet !! Demain la compo de socio.

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mardi 14 avril 2009

Les sciences sociales pour comprendre la Nouvelle Star (1/4)

Amusons-nous un peu. Aujourd'hui je voudrais parler de ce fabuleux télé-crochet qui égaye nos mardi soirs. Il se passe des choses à Baltard, et si le niveau global des candidats n'est pas transcendant cette année (parait-il, personnellement je n'ai aucune compétence musicale, à mon grand regret), il y a de quoi expliquer quelques trucs à partir de la sociologie, de l'économie ou d'autres sciences sociales. Pour le premier numéro de cette petite série de billets, je vais tenter d'expliquer comment le sauvetage de Damien de la nouvelle star a en partie contredit les théories de Mancur Olson. Et vous me direz, quel rapport entre un apprenti chanteur de 29 ans et un économiste américain mort à la fin du XXe siècle ??

Mancur Olson est connu pour avoir mis au jour un paradoxe, le paradoxe de l'action collective. Des individus qui partagent un intérêt commun mais qui n'ont pas d'instances représentatives ont une forte probabilité de ne pas mener à bien les actions en direction de cet objectif commun.

Une action collective telle que participer à un vote en faveur d'un candidat, conduit à la production d'un bien collectif, la satisfaction de voir son candidat préféré chanter à nouveau la semaine prochaine. Mais pour Mancur Olson, cette action collective a peu de chance de se réaliser. En effet, les individus rationnels vont laisser les autres agir, en espérant recueillir l'avantage collectif, sans avoir à supporter le coût de l'action (envoi d'un SMS + 50 centimes d'euros). Le problème ici, c'est que si l'avantage est collectif, le coût lui est individualisable et donc plus difficile à supporter (c'est un peu comme la consommation collective de services non marchands produits par les services publics, et les impôts : on aime pas payer les impôts, mais on est bien content d'avoir des routes et des écoles). Le paradoxe se produit si tous les individus agissent rationnellement ; alors l'action collective ne se produira pas, et aucun avantage collectif ne pourra être obtenu, alors que tous y avaient intérêt.

Pourtant, mardi dernier, j'ai contribué à sauver Damien !
Mardi à 23h15, Damien a été sauvé par le public. Pourtant il avait complètement craqué, nul Damien, capable de bien mieux que cela d'habitude. C'en était désagréable pour nos oreilles tellement c'était faux... Et bien j'ai quand même voté pour lui !! Alors qu'objectivement il était presque le plus mauvais de la soirée. Ca c'est pas loin d'être complètement irrationnel : Manoukian et Soan ont invité ouvertement le public à voter pour lui, des milliers d'adolescents ont du se précipiter sur leur portable, j'aurai pu manipuler tous mes contacts facebook et leur dire de voter pour lui (bon ok, je l'ai fait), mon vote m'a coûté un SMS surtaxé (0.60€) alors que sa prestation ne valait pas un cachou, je pourrais revoir 10000 fois si je voulais les vidéos de Damien sur Dailymotion ou YouTube, même s'il sort de la Nouvelle Star je pense que je pourrais le trouver sur son MySpace... complètement taré je vous dis. En fait, si les individus contribuent parfois aux actions collectives c'est principalement pour deux raisons.

Pas si irrationnel que cela...
Il n'y a pas que la rationalité en finalité dans la vie pour guider nos choix, il y a aussi la rationalité en valeur : j'agis non pas vers un but, mais en accord avec mon système de valeurs. Mon système de valeurs n'a rien a voir avec la Nouvelle Star, il y a peu de chance pour que cela explique mon geste désespéré de mardi soir. Il y a également l'action individuelle qui est réalisée sous le coup de l'émotion, réaction de l'affect. Ici ce n'est pas le cas, j'ai bien réfléchi avant d'envoyer le numéro 4 au 71600 ! Autre moteur de l'action individuelle : la tradition. Non, la nouvelle star, c'est pas traditionnel pour moi.

Une deuxième explication, la rationalité limitée : nous ne sommes pas forcément en capacité de calculer exactement, à chaque instant, ce que nous coûte et nous rapporte nos décisions. Il y a donc tout un tas de choses à prendre en considération, et notre cerveau ne nous permet pas de tester toutes les solutions pour déterminer celle qui est absolument la bonne. Le plus souvent, on choisit le moins pire, en fonction de son expérience, on prend la première qui nous parait raisonnable :
1) Ici j'ai pu juger que mon forfait SMS était plein, et que je ne parviendrais probablement pas à le consommer dans son intégralité (ce qui repose une autre question : dois je diminuer mon forfait SMS ?), donc que le coût du SMS normal n'était pas si important que cela.
2) Par ailleurs, le surtaxage à 50 centimes peut être relativisé : quel est le coût d'opportunité de ce SMS, en clair qu'est ce que j'aurai pu faire avec ces 50 centimes que je ne pourrai pas faire si je les dépense pour M6 ? En bon prof, ma première réaction c'est de dire : 50 centimes = un café à la machine du lycée. Moins de café, moins de palpitations, moins de risque d'overdose, sommeil moins agité, mieux pour la santé !
3) Enfin, en tant que prof de SES, je connais cette théorie de l'action collective, je sais donc que si tous les spectateurs ont la même démarche rationnelle qui consiste à penser que je vais pouvoir profiter de la présence de Damien mardi prochain sans en payer le coût, alors je risque de ne pas revoir Damien ! Non, je ne peux raisonnablement pas laisser tomber ma future idole.

Mardi prochain, vous savez ce qu'il vous reste à faire...

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vendredi 3 avril 2009

Facebook et tes amis (encore !)

Un post très intéressant sur le site Internet Actu, à propos de la force de nos liens faibles et de la manière dont ils sont entretenus sur Facebook.
Avons-nous de "vrais amis" sur les sites sociaux ?

Extrait :

[Le réseau social] n’agit pas vraiment sur les liens les plus forts (famille, amant(e)s et confidents), mais sur tous les autres : “ceux avec qui on travaille, on fait du sport, ceux qu’on connaît bien, qu’on connaît peu, qu’on aimerait connaitre mieux, ceux qui s’intéressent à nous, ceux qu’on intéresse, ceux qui nous font rires, ceux qui connaissent des trucs. Facebook montre qu’il y a une très grande élasticité de ce nombre d’amis là. Comme on le voit dans l’enquête, le sexe joue un rôle important, mais également l’âge, le niveau social et culturel… Ce qui serait intéressant, c’est de décomposer les chiffres auxquels accède Marlow par variable sociologique pour montrer que notre nombre d’amis ne repose pas sur une limite naturelle, mais sur des inégalités sociales et culturelles.

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mercredi 1 avril 2009

Durkheim, l'anomie et Omegle

(Emile m'accompagne tous les jours ces derniers temps...)

J'ai lu cet article sur le site écrans

Un seul mot m'est venu en tête : anomie. Affaiblissement des règles. Ou quand "la société manque aux passions individuelles, les laissant ainsi sans frein qui les règle".

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en vrac...

Lu aujourd'hui :

- Une interview du sociologue Christian Baudelot sur L'Express.fr à propos du système scolaire français, il revient sur l'annonce des résultats de l'évaluation menée en CM2. Il vient par ailleurs de publier (avec Roger Establet) L'élitisme républicain. L'école française à l'épreuve des comparaisons internationales (Ed. Seuil, Coll. La République des Idées). Je suis en train de le lire, et c'est vraiment pas mal : je posterai une note de lecture dès que j'ai le temps.

Petit commentaire perso :
L'exercice de l'interview courte, 5 questions et des réponses en trois lignes comportent des dangers. Ainsi le journaliste de l'Express parvient à faire dire à Christian Baudelot que "le niveau des élèves baisse". Quand on sait qu'il a écrit il y a 10 ans un livre intitulé Le niveau monte, on peut se poser des questions. Or dans son dernier ouvrage, Ch. Baudelot est on ne peut plus clair : "Le niveau monte mais les écarts se creusent. [...] L'élévation du plafond n'entraîne pas automatiquement le relèvement du plancher". En clair, le "niveau moyen" ne signifie plus grand chose car si le système scolaire français parvient toujours à former une élite, de plus en plus étoffée et de plus en plus performante, elle laisse de côté un nombre croissant d'élèves. Les premiers tirent le niveau vers le haut, les second vers le bas. Le problème, c'est que l'élite est d'autant plus bonne quand la masse n'est pas mauvaise. Si "le niveau monte" (ça c'est incontestable), il ne monte pas si vite que cela, et cache le fait que les inégalités grandissantes nuisent à l'efficacité du système.

- Sur nonfiction, une recension de l'ouvrage de Jean Peneff, Le goût de l'observation. Comprendre et pratiquer l'observation participante en sciences sociales (Ed. La Découverte, Coll. Grands Repères). Elève de Bourdieu, passé par l'Université de Nantes, très inspiré par la sociologie interactionniste américaine (Howard S. Becker signe la préface de l'ouvrage), il s'est spécialisé ces dernières années dans la sociologie de la médecine.
Cet ouvrage semble être (je ne l'ai pas lu) un véritable plaidoyer pour l'observation comme outil méthodologique à part entière. Je ne peux qu'abonder. L'auteur se plaint du fait que l'observation participante, si on s'y intéresse depuis une petite vingtaine d'année dans la sociologie française, n'est pas assez enseignée et pratiquée par les sociologues. Dans mon cursus j'ai pu m'y former, et l'utiliser avec bonheur lors d'enquêtes. J'ai l'impression qu'elle reste enseignée dans pas mal de département de sociologie de nos universités (avec même des innovations pédagogiques comme les stages terrains de Paris8), mais j'ai peut-être pas un regard objectif sur la question. En tout cas je pense que "savoir observer" est vraiment un atout à mettre en avant pour le sociologue, c'est là qu'il peut prouver que la sociologie apporte une valeur ajoutée, qu'il n'est pas simplement un statisticien du social ou un journaliste teinté de méthode scientifique. Y a pas que les questionnaires et les entretiens semi-directifs dans la vie du sociologue (il faudrait évoquer la cartographie sociale, le dépouillement, et l'analyse textuelle aussi) il y a aussi l'observation, et celle-ci est peut-être LA méthode propre au sociologue.

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lundi 30 mars 2009

Pour l'autonomie des étudiants

Lu le 27 mars dans les échos, une tribune de Jean-Baptiste Prévost, actuel président de l'Union Nationale des Étudiants de France. Elle interpelle Valérie Pécresse et Martin Hirsch et a pour thème la création d'une allocation d'autonomie pour les étudiants. Pourquoi en faire la publicité ici ? Outre l'objet de cette tribune qui me tient particulièrement à coeur, il se trouve que l'argumentation déployée par le dirigeant syndical dans toute la première partie est très rigoureuse (une idée, un argument, un exemple) et qu'elle fait appel à bien des éléments vu en cours de SES : évolution des formes familiales, transformations de la population active, impôt et justice sociale, etc. On peut être d'accord ou non (chacun sa conception de la jeunesse, de la place qui doit lui être fait dans la société, doit on créer une nouvelle cotisation pour financer cette mesure ? ce débat est politique), mais sur la forme, si tous les élèves de terminale pouvaient mobiliser des éléments factuels pour construire leur argumentation, le correcteur de dissertation que je suis serait ravi !

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mercredi 18 mars 2009

Pierre Méhaignerie : keynésien malgré lui ?

En ce mercredi après-midi ensoleillé, on apprend que la proposition de contribution exceptionnelle des plus hauts revenus de Pierre Méhaignerie, député UMP et maire de Vitré, vient d'être acceptée en commission à l'Assemblée Nationale. Mais elle a bien peu de chance d'aboutir car pendant ce temps, le gouvernement et une bonne partie de l'UMP ne veulent pas entendre parler d'une discussion sur le niveau du bouclier fiscal.

Pierre Méhaignerie a-t-il lu Keynes ? On dirait, à en croire ses récentes prises de positions sur la fiscalité des hauts revenus. En effet, partant du constat que les classes moyennes se sentent tirées vers le bas, et les classes supérieures tirées vers le haut, il préconise un redéploiement fiscal qui se traduirait par une hausse de l'impôt sur le revenu pour les français gagnant "plus de 300 000 ou 400 000€ par an". Objectif 1 : limiter le déficit public, qui s'accroît en raison des baisses de rentrées fiscales liées au recul de l'activité économique (deux relations simples pour l'illustrer : plus de chômage=moins de cotisations, moins de consommation=moins de TVA). Objectif 2 : un peu plus de solidarité en période de crise, ça ne fait pas de mal.

Keynes aurait été pour cette décision, mais pour une troisième raison (d'où le point d'interrogation dans le titre de ce billet quelque peu provocateur). En effet, dans la conception keynésienne de l'économie, il faut taxer l'excès de capital car celui-ci, loin de favoriser la croissance, la pénalise. Il écrit dans la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie :

Depuis la fin du XIXe siècle, la taxation directe […] des successions a permis de réaliser, surtout en Grande-Bretagne, de sérieux progrès dans la réduction des très grandes inégalités de fortune et de revenu. Certains souhaiteraient qu'on allât beaucoup plus loin dans cette voie, mais ils sont retenus par deux ordres de considérations. D'abord ils craignent de rendre les évasions fiscales trop avantageuses. Mais ce qui à notre avis les arrête surtout, c'est l'idée que la croissance du capital dépend de l'épargne que la classe riche retranche de ses superfluités.
L'idée si répandue que les droits de succession contribuent à réduire la richesse en capital du pays illustre bien la confusion qui existe à cet égard dans l'esprit du public. Si le Gouvernement affecte le produit de ces droits à la couverture de ses dépenses de manière à alléger les impôts qui frappent le revenu et la consommation, il est incontestable qu’une politique fiscale imposant sévèrement les successions a pour effet d’accroître la propension de la communauté à consommer. Mais puisqu’un accroissement de la propension habituelle à consommer contribue en général à renforcer l'incitation à investir, la conclusion qu’on a coutume d’en tirer est l’exact contraire de la vérité.
L'analyse nous amène à conclure que, dans les conditions contemporaines, la croissance de la richesse, loin de dépendre de l'épargne des milieux aisés comme on le croit en général, a plus de chance d'être contrariée par elle. Ainsi disparait l’une des principales justifications sociales des grandes inégalités de fortunes.


En clair (parce que la formulation keynésienne est parfois un peu compliquée), si l'on affecte les recettes fiscales tirées de la taxation des hauts revenus à l'abaissement des taxes sur la consommation et les revenus des plus modestes, alors on incite ces derniers à la consommation. Or c'est la consommation, lorsqu'elle est anticipée par les producteurs, qui stimulent la production. La consommation en France est bien le premier moteur de la croissance. Et la croissance permet de résorber le chômage (pour aller vite).

Problème : 80 ans après Keynes, nous sommes dans des économies relativement ouvertes (même si la période de crise conduit les états à des mesures protectionnistes, comme l'a fait remarquer hier la Banque Mondiale), et stimuler la consommation en période de crise peut bien favoriser les importations plus que la demande de produits intérieurs. Cela dit, nos principaux partenaires commerciaux étant nos voisins (dans l'ordre Allemagne, Benelux, Italie, Espagne et Royaume-Uni : ces 5 pays représentent plus de 50% de nos échanges extérieurs) on voit donc que des mesures conjointes en direction des consommateurs pourraient être, à coup sûr, efficaces. Mais pour cela il faut parvenir à s'entendre sur la stratégie à adopter, et ce problème est plus politique qu'économique.

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lundi 9 mars 2009

Peur du changement ?

Comme presque tous les jours, j'ouvre mon navigateur internet préféré : mes pages visitées les plus régulièrement s'affichent et je clique sur mon espace Netvibes pour y accéder.

Parmi tous les flux, je remarque le nouvel élément chez Martin Vidberg, un dessin à propos de la vie des bloggeurs. C'est un article du Monde qui l'a inspiré, je vais lire de quoi il retourne. Hypertextualité quand tu nous tiens. L'article est étrange, un peu sur le mode "les blogs sont au journalisme ce que McDo est aux produits bio", il laisse une impression bizarre.

Dans l'article est cité Nicolas Vanbremesch alias Versac. Il est dans mes contacts Facebook, je trouverais certainement sur son "mur" un commentaire sur cet article. Pas loupé, l'intéressé reproche à cet article d'avoir quelques années de retard, et relaie un peu plus tard un article de François B. (phnk et Polit'bistro, j'en parlais dans mon dernier billet).

François s'énerve sur le Polit'Bistro : selon lui le journaliste s'est fourvoyé dans sa critique de l'activité des bloggeurs, et il le démontre de manière assez efficace. Ma première impression trouve confirmation. Le recoupement des sources du journaliste est assez limite, la distanciation et l'objectivation pêche également. Pourtant il s'agit là des piliers du métier de journaliste, que l'on ne manque pas de retrouver cités dans l'article du Monde incriminé. Les commentaires du billet sur Polit'bistro sont tout aussi intéressants, et Bouillaud y rappelle que LeMonde.fr lui-même héberge des non-journalistes sur sa plate-forme de blogs, dont Martin Vidberg.

Ah oui, c'est vrai que j'étais parti de ce dessin de Vidberg. Je retourne à Netvibes, un nouvel article est tombé sur le fil du Monde, "Une soirée organisée sur Facebook dégénère".

Intrigant, je clique. Je lis. A Tours samedi soir, une soirée dont l'origine était une page Facebook (c'est un peu le descendant du flash-mob version festive) tourne mal, sans que l'on sache qui de la police ou des jeunes ont commencé les premiers a jeté des projectiles sur les autres. Et la soirée est racontée par la journaliste. Pour les détails voici les sources qu'elle a utilisé : un groupe Facebook, un compte Twitter, une vidéo sur DailyMotion, trois blogs... Elle risque d'avoir un problème avec son collègue de rédaction, quand l'un tape sur les bloggeurs, l'autre s'en sert comme source. Attention à la schizophrénie.

Finalement ce qui change le plus ce n'est peut-être pas tant le fait que les bloggeurs piquent le travail des journalistes (même si on comprend qu'il n'est pas forcément rassurant d'imaginer perdre son emploi, le "journaliste-citoyen" est plus un construit des journalistes qu'une réalité). C'est plutôt que le travail de journaliste s'en trouve modifié : les sources sont différentes, parfois elles alimentent plus rapidement les rédactions et peuvent même faciliter le travail du journaliste dans son enquête.

Si les journalistes (les professionnels) ont peur des bloggeurs (les amateurs) c'est probablement qu'ils pensent que ces derniers les concurrencent dans leur rôle de media. Pourtant les bloggeurs sont souvent plus des relais que des concurrents, et les media ont besoin de ces relais. En effet, des études en psychologie sociale (menée par Paul Lazarsfeld au Bureau of Applied Social Research de l'Université Columbia dans les années 40, ça ne date pas d'hier) ont montré que ce qui influait un individu n'était pas tant le message asséné par un media que son relais assuré par un membre de la famille ou d'un groupe dans lequel dans l'individu est socialisé. Les journalistes gagneraient sûrement à considérer les bloggeurs comme un relais de plus, mais un relais qui a la capacité, grâce au fameux buzz, de leur remonter les commentaires sur leur travail. Un aiguillon, une pression supplémentaire pour toujours plus d'exigence.

Tiens, j'ai un nouveau message sur ma messagerie Facebook, j'avais pas remarqué. Manuel me balance un lien, vers le blog d'Antoine Doyen, photojournaliste. Selon lui, La presse web veut la peau des photojournalistes. La faute à qui ce coup-ci ? La presse web qui veut plus payer les photographes ? Où les amateurs qui viennent là encore concurrencer les pros ?

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lundi 23 février 2009

La filière ES n'est pas une voie de garage

Et c'est dans Le Monde

A l'heure où les élèves de seconde font leur choix d'orientation pour la première, les propos du président de la République ne sont pas de nature à les encourager à choisir la filière économique et sociale (ES). "Il y a une filière économique pour vos enfants. C'est une blague, avait déclaré Nicolas Sarkozy, mardi 27 janvier, en déplacement à Châteauroux (Indre). Mettez vos enfants dans la filière ES, ils ne pourront pas se permettre de se présenter dans les meilleures écoles économiques."

La réalité est autre. En 2007, la proportion des bacheliers ES dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), filière économique et commerciale, était de 42 % des effectifs contre 48 % pour les S.


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Hypothèses, Agora, le Polit'bistro, etc.

La recherche française est en ébullition. Non seulement elle connaît actuellement un mouvement social sans véritable précédent, mais elle foisonne d'idées, notamment en sciences humaines et sociales ce qui nous intéresse au plus haut point. Ca foisonne, ça bouillonne même du côté de Revues.org qui, avec son maître d'ouvrage le CLEO, a mis sur pied une plate-forme de blogs intitulé Hypothèses. Sur cette plate-forme on trouve notamment deux blogs qui devraient retenir votre attention :

1. AGORA /Sciences sociales. Comme son nom l'indique c'est un lieu de débat autour de la question des sciences sociales, leur enseignement (dans le secondaire comme dans le supérieur), la recherche dans ces domaines, mais également les mutations qui touchent métiers et institutions se trouvant dans le champ de l'enseignement supérieur et de la recherche.

2. Le Polit'bistro : des politiques, du café. Ce blog prend la suite de Science politique en ligne, et gagne un auteur. Suivre de près les participations croisées dans la blogosphère va devenir un sport de haut niveau. François, auteur de Boîte Noire et de feu Science politique en ligne, ouvre avec Joël, auteur du blog de Joël Gombin, un blog sur Hypothèses, qui s'appelle le Polit'bistro et qui parlera de science politique. Si vous avez tout suivi, en cliquant sur tous les liens, les indexant sur delicious et enregistrant les flux sur netvibes, c'est que vous êtes définitivement aptes pour le web2.0, espèce de geek.

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mercredi 4 février 2009

Mais pourquoi les journalistes de France Info n'ont-ils pas lu "Sexe, drogue et économie" ??

...et plus particulièrement la page 51, "La dette publique est un faux problème" !!!

Tout affolés qu'ils sont par le rapport annuel de la Cour des Comptes, présenté aujourd'hui par Philippe Séguin, les journalistes de France Info tombent dans le piège débile qui consiste à rapporter l'encours de la dette publique aux nombre de français.

D'habitude on entend "la dette est colossale, plus de 20000€ par français, vous vous rendez compte ??". Là ils ont poussé le vice encore plus loin, le titre du journal de 17h c'était "50000€ par français qui travaillent !!". Encore pire dis donc, ça c'est de la dette !!

Petite plaisanterie de mauvais goût : on ne sait pas s'ils ont rapporté le montant de la dette à tous les actifs (27 millions de Français) ou aux seuls actifs occupés. Parce que je peux déjà leur dire que ça va pas s'arranger s'ils ne prennent que les actifs occupés, vu l'augmentation actuelle du chômage

Bref, s'ils peuvent pas se payer le bouquin de Delaigue et Ménia, je leur conseille quand même d'aller faire un tour sur le blog d'Econoclaste ici et !

Ca me fait penser que l'Elysée aurait pu choisir des journalistes spécialisés en économie pour interviewer Notre Président demain, en temps de crise cela aurait pu être pertinent. Ah oui... on a beau être au XXIe sicèle, c'est encore Notre Président qui choisit les questionneurs.

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Statistiques ethniques, réalisme, nominalisme

Le site La vie des idées vient de publier un article qui fait le point sur la question des statistiques ethniques à partir d'une recension d'un dossier paru dans la Revue Tocqueville (cliquez sur le lien pour avoir le sommaire).

A propos de groupes sociaux, ce débat touche au concept complexe d'ethnicité, mais également au concept moins complexe de groupe social : la première des questions que l'on peut se poser à propos de la quantification des groupes sociaux, c'est de savoir est-ce qu'un groupe social existe réellement, objectivement, ou bien est-il le résultat de la construction de l'observateur. C'est la différence entre une vision réaliste et une vision nominaliste de la société.

Si les groupes sociaux sont repérables par des normes, des valeurs, des pratiques particulières, alors ces groupes sont des classes clairement identifiables, elles existent réellement. Cette analyse est qualifiée de « réaliste ». On la retrouve notamment dans les écrits sociologiques de Karl Marx.

Le découpage de la société en strates correspond à des regroupements d’individus ayant des caractéristiques statistiques communes. Les individus sont vus comme semblables du fait qu’ils partagent des probabilités de se trouver dans des positions similaires (à l’inverse de la vision Marxiste). Les classes étant repérées par les sociologues, elles ne sont que des étiquettes, que des noms, c’est pourquoi on qualifie cette approche de « nominaliste ». Les individus n’ont pas forcément conscience d’appartenir à la même classe, et donc pas forcément conscience des antagonismes.

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dimanche 1 février 2009

Vos papiers d'identité numérique s'il vous plait !

Il y a quelques semaines le journal Le Tigre proposait dans ses colonnes de découvrir la vie d'un inconnu à partir des données numériques laissées sur la toile, pointant ainsi les dangers de la confusion vie privée/vie publique sur Internet. Si vous n'en avez pas encore entendu parler, allez lire ces quelques lignes.

Aujourd'hui je découvre l'existence du site www.123people.fr, moteur de recherche ciblé sur les données personnelles. Alors que le verbe "googliser quelqu'un" commence à se répandre dans le langage commun, la maîtrise de son identité numérique est plus que jamais d'actualité. Un élément de plus à pointer auprès de nos élèves friands de blogs emplis de détails persos.

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jeudi 29 janvier 2009

Sarkozy, le pouvoir et la série ES

Jour de grève dans le pays et notre Président Nicolas Sarkozy est au centre de bien des articles, aux sujets forts différents, dans des médias que l'on ne peut soupçonner de faire dans l'anti-sarkozysme.

1) "Charité bien ordonnée commence par soi-même", occupons de nos propres défauts. La série ES est une "blague" pour le Président.

Lemonde.fr : La filière économique ES ? "Une blague", pour M. Sarkozy

Le Président a voulu tacler l'hégémonie de la filière S ("la voie royale"), en s'en prenant à la filière ES. Tactique pour le moins curieuse.

La réponse des professeurs de Sciences Économiques et Sociales ne s'est pas fait attendre.

APSES : Non, Monsieur le Président, la série Economique et Sociale n’est pas une « blague ».

2) Dans le journal le Figaro, on apprend que le préfet de la Manche est démis de ses fonctions, direction le placard. La raison ? Nicolas Sarkozy n'a pas apprécié son déplacement à Saint-Lô le 12 janvier dernier, trop mouvementé à son goût. La nomination d'un préfet relève du Conseil des Ministres, le Prince aura du attendre 16 jours pour pouvoir concrétiser son caprice.

Le Figaro : Un préfet muté après une visite présidentielle chahutée

3) Dans le magazine Capital on apprend que la femme de Raymond Soubie, conseiller aux questions sociales de Nicolas Sarkozy, détient maintenant 70% de l'AEF, agence de presse spécialisée éducation, enseignement supérieur et formation professionnelle. Quelle signe faut-il y voir ? Nicolas Sarkozy étend-il son pouvoir sur les groupes de presse ? Raymond Soubie prépare-t-il sa reconversion ?

Capital.fr : La femme de Raymond Soubie prend la tête d’une agence de presse spécialisée sur l’éducation et le social

Pour terminer, une fois n'est pas coutûme, un petit dessin de l'excellent Martin Vidberg

Le blog de Martin Vidberg : l'actu en patates

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mercredi 28 janvier 2009

De l’ambition pour la réforme des lycées

Vous vous sentez concerné par l'avenir de l'enseignement secondaire en France, et plus particulièrement par l'avenir du lycée ? Alors je vous conseille d'aller faire un tour régulièrement sur ce blog :

De l'ambition pour la réforme des lycées

20 organisations s'engagent dans la voie de la proposition. Et qu'on ne vienne pas nous dire que les profs ne sont qu'une corporation conservatrice et rétive à tout changement.

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samedi 24 janvier 2009

6 livres

Encore une chaîne, et pour une fois elle ne vient pas de Denis C, mais du Global Sociology Blog, ça c'est la classe (Denis aussi c'est la classe ! mais le GSB, c'est la classe internationale !!).

Alors si j'ai bien compris, il faut citer les 6 bouquins qui me représentent le mieux. Pas facile. Représenter... 6 conseils de lecture, passe encore, mais représenter... Bon, tentons l'expérience, avec des livres au sens large. On va la faire chronologique, ce sera plus facile. En fait, avant de commencer la liste de livres, il faut parler de mes débuts de lecteur. Je citerais bien la station service du bourg de mon enfance. Elle n'existe plus. Mais je me souviens que, alors que j'étais en grande section de maternelle, on devait être au mois d'octobre novembre, j'ai lu mon premier mot. C'était "Super". Sur la pompe, à la station service. Mes parents avaient une 504 bleu turquoise. Ca c'est de l'info, du pipole, ça va buzzer sur le ouaib, c'est sur.

I. Le petit Nicolas, Sempé & Goscinny, ben oui... Je les ai tous lu, tous adorés. Nicolas avec Alceste son meilleur ami, toujours prêt à faire des bêtises dans le terrain vague, et puis Eudes, le costaud, celui qui tape avant de poser les questions quand ils jouent aux gendarmes et aux voleurs. Souvenirs, souvenirs...

II. Comme un certain Fr., je citerais un Zola, dans la série des Rougon-Macquart, probablement Pot-Bouille parce que c'est celui que j'avais étudié en Première pour le bac de français, donc c'est un des livres que j'ai le mieux lu. 1) je lis très mal, je lis que l'intro, puis je saute des pages, je reviens en arrière, je vais pas jusqu'au bout, etc... et 2) je lis très lentement. En ce moment je suis dans Moby Dick, autant vous dire que j'en ai pour 6 mois.

III. Questions de sociologie, Pierre Bourdieu et Le guide de l'enquête de terrain, Stéphane Beaud et Florence Weber. Rencontre avec la sociologie, la discipline scientifique. Du lycée et de mon passage par la filière ES je ne garde essentiellement que des souvenirs d'économie. La vraie claque, c'est à l'université. Je passe mes premiers partiels le jour de la mort de Pierre Bourdieu. Première année, l'extase, je comprends les rouages de la société, le trip Néo dans la matrice. Deuxième année, deuxième effet kisscool, "désenchanteur" et parfois déprimant. Troisième année les choses sérieuses commencent, la sociologie sera ma passion. En plus de S. Beaud j'aurai pu citer Bernard Lehman, Christophe Lamoureux, Christian Vogels, Rémy Le Saout. Il y a des profs qu'on oublie pas.

IV. Aide-mémoire Economie, Beitone et alii et 100 fiches pour comprendre les sciences économiques, Montoussé et alii. Ca ce sont les restes du Capes. J'en ai lu bien d'autres, des livres, des polys, des articles, des cours. Mais ces deux là, je crois que je les ai eu sur moi en permanence pendant 10 mois, nuit et jour.

V. L'esprit de l'athéisme : introduction à une spiritualité sans Dieu, André Comte-Sponville. Un jour je parlerai de religion sur ce blog...

VI. L'hiver de la démocratie, Guy Hermet. Dans le grand ordre de choses sur lesquelles porte mon intérêt, après la sociologie, vient la science politique. Je pense que ce bouquin d'Hermet a été le meilleur que j'ai lu en 2007 (Avec L. Chauvel et ses classes moyennes qui dérivent entre Stockholm et Buenos Aires).

Si j'avais eu un septième choix à faire, j'aurais probablement cité un bouquin de Luis Sepulveda que je viens de découvrir grâce à un ami Chilien. Il y a un an j'étais en train de crapahuter sur les glaciers de patagonie, côté argentin. Sepulveda m'a permis de traverser la frontière pour faire faire un tour à mon imagination du côté chilien. Et parvenir à faire voyager les gens sans les sortir de leur fauteuil de lecteur, c'est déjà pas mal.

Vont avoir le droit de se plier à ce petit exercice :
- Nicolas, le prof à l'accent si agréable !
- J'aurai aimé que Rémi, Renaud et Marjorie le fasse mais je ne suis pas sûr que la ligne éditoriale de leurs sites respectifs le leur permette.
- Ajoutons Alexandre et Stéphane, et nous sommes à 6 !

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vendredi 23 janvier 2009

à propos des bonus des banquiers

Je signale un article intéressant de Martine Orange sur Mediapart, Les vrais faux sacrifices des banquiers français.

En substance, la journaliste explique que ça mange pas de pain de refuser ses bonus quand (a) on en touche pas de toutes façons ou (b) quand ils sont indexés sur les résultats de l'entreprise, vue la calamiteuse année 2008. Et surtout, pendant qu'on parle de la part variable de leur rémunération, on parle pas des stocks-options, qui pour le coup valent le coût de refuser le bonus.

Ca me permet de rappeler ce qu'est une stock-option, une option d'achat d'action en bon français. En clair, on donne à un dirigeant le droit d'acheter un certain nombre d'actions de son entreprise dans 2 ans (c'est un exemple) au prix actuel du marché. Il ne débourse rien maintenant, mais pourra acheter au prix de 2009 et revendre dans la foulée ses actions au prix de 2011, engrangeant directement une plus-value si le cours de l'action a monté entre temps. C'est une incitation à tout faire pour provoquer une hausse de la valeur de l'action.

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mercredi 21 janvier 2009

Les femmes plus durement touchées par la crise

Via le Global Sociology Blog on apprend qu'outre-manche une enquête révèle que les femmes sont plus touchées que les hommes par la crise économique. Principale raison : cette crise affecte non seulement des secteurs où l'emploi masculin est très développé (industrie, construction) mais aussi et surtout des secteurs très féminisés (vente au détail, hôtellerie-restauration).

C'est à lire ici : Gee… What a Surprise! Women More Affected By Economic Hard Times

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mardi 13 janvier 2009

L'esperance de vie ne progresse plus

Il y a un an presque jour pour jour je commentais le bilan démographique de la France pour l'année 2007. L'avantage du blog, c'est qu'il se souvient à votre place de ce que vous pouviez raconter un an auparavant. Il y a un an on imaginait que la France allait franchir la barre des 64 millions d'habitant. Et la prévision s'est réalisée. Par contre, on n'imaginait pas que l'espérance de vie allait s'arrêter de progresser dans notre pays, et ça, c'est la grande nouvelle du jour.

Pour la première fois depuis bien longtemps, l'espérance de vie des Français ne progresse plus. Pour être précis, il progresse de 0.1 an pour les hommes et de -0.1 pour les femmes. En clair, un enfant qui naît aujourd'hui, si on imagine qu'il bénéficie de l'espérance de vie moyenne mesurée à chaque âge actuellement, vivra en moyenne 77,5 années si c'est un garçons et 84,3 si c'est une fille. Cette stagnation s'explique par un taux de mortalité des enfants de moins de 1 an qui ne diminue plus en France depuis trois ans (Sur 1000 enfants de moins de un an en 2008, 3.8 décèdent). Nous ne parvenons plus à faire diminuer la mortalité infantile comme c'était le cas auparavant.

Cette évolution a forcément un écho sur le débat autour du système de retraite en France. Les projections de population d'ici à 2050 prévoyaient une augmentation continue de l'espérance de vie (voir ici par exemple). Ainsi les dernières projections centrales envisageaient 89 ans d'espérance de vie à la naissance pour les femmes en 2050, et même les hypothèses basses tablaient sur une augmentation constante entre 2005 et 2050... C'était d'ailleurs un argument fort des politiques (et des économistes) en faveur de l'augmentation de l'âge de départ à la retraite à taux plein : une augmentation de l'espérance de vie a pour conséquence "d'aggraver" le ratio actifs/inactifs, de sorte qu'une part toujours plus faible d'actifs contribue à la rémunération d'une part toujours plus grande d'inactifs. Les choses n'ont pas l'air de se passer comme prévues...


Intéressés par le sujet ? Pour aller plus loin, dans la blogosphère économique je vous conseille la série de billets qu'Antoine Bozio a consacré à ce sujet chez Ecopublix. Et autre spécialiste de la question des retraites, Arnaud Parienty, du côté des blogs d'Alternatives Economiques.

Source :
Bilan démographique 2008 : plus d'enfants de plus en plus tard, Insee Première n°1220, janvier 2009

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mercredi 7 janvier 2009

Homogamie sociale et inégalités

Le dernier numéro d'INSEE Première est consacré à une étude sur les inégalités de conditions de vie des enfants de couples et de familles monoparentales. Cette étude a été réalisée à partir des résultats de la campagne de recensement 2004-2007. Je rappelle ici que le recensement ne se fait plus en une fois tous les 7-8 ans, mais il est réalisé partiellement tous les ans (pour en savoir plus) de sorte que 9 à 10 millions de français sont recensés chaque année.

Au milieu d'une foule de renseignements très intéressants, un paragraphe a retenu mon attention plus que les autres. Il fait le lien entre l'homogamie sociale, c'est à dire le fait de "choisir" son conjoint dans la même catégorie sociale que soi, phénomène très important en France comme ailleurs, et reproduction des inégalités sociales. Les individus diplômés ont une forte probabilité de se retrouver en couple avec un individu diplômé, et inversement les individus non diplômés ont tendance à se retrouver ensemble. Or on sait que la réussite scolaire des enfants est corrélée avec le niveau de diplôme des parents et plus largement l'origine sociale (je ne rentre pas ici dans le débat sur les causes de la réussite différenciée des enfants de cadres et d'ouvriers : capital culturel et/ou stratégies individuelles des familles). Les avantages ou les désavantages se cumulent pour les enfants de ces couples : deux parents diplômés ou deux parents non diplômés, ce n'est pas la même chose. Attention à ne pas avoir une vision totalement déterministe de la chose : ce n'est pas parce que vos deux parents ne sont pas diplômés que vous échouerez forcément, on enferme pas les individus dans les statistiques.

Extrait

Les proximités sociologiques entre parents renforcent les inégalités entre enfants

Les couples se forment fréquemment entre deux personnes qui ont poursuivi des études similaires ou appartiennent aux mêmes catégories sociales. En conséquence, la présence ou l’absence d’atouts en matière de diplôme, d’emploi ou de catégorie socioprofessionnelle du père et de la mère ont souvent tendance à s’additionner, d’où de fortes disparités au sein des enfants vivant avec deux parents. Parmi ces enfants, 32 % vivent avec deux parents bacheliers alors qu’ils seraient 22 % si les couples s’étaient formés au hasard. À l’inverse, la proportion d’enfants des couples vivant avec deux parents non bacheliers (40 %) n’aurait été que de 28 % si les couples s’étaient formés au hasard.

À tout âge, la proportion d’enfants vivant avec deux parents occupant un emploi a augmenté, du fait de l’emploi accru des mères : 53 % en 2005, contre 49 % en 1999. En revanche, la part des enfants n’ayant, en leur foyer, aucun parent occupant un emploi n’a pas baissé par rapport à 1999 (un sur dix).

D’une part, toujours plus d’enfants vivent dans une famille monoparentale ; tandis que, d’autre part, toujours plus d’enfants ont leurs deux parents en emploi : ces deux évolutions tendent à accroître les inégalités entre les enfants. En 2006, le taux de pauvreté des enfants des familles monoparentales est de 38 %, contre 13 % pour les enfants des couples (5 % quand les deux parents travaillent).

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mardi 6 janvier 2009

De l'art de jouer sur les mots

Samedi, alors que je lisais le Figaro du week-end tranquillement au coin du feu, j'ai remarqué un titre bizarre dans ce journal.


Dont acte. Le résultat du sondage m'intrigue mais après tout pourquoi pas. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris l'infographie réalisée à partir des résultats du sondage.


Selon ce sondage OpinionWay, Nicolas Sarkozy ne semble - pour les Français sondés - ni sincère, ni proche, ni rassurant, ni à l'écoute, et encore moins rassembleur. Soit un journaliste chargé de réaliser l'infographie s'est trompé dans la légende, soit le journaliste qui a trouvé le titre de l'article ne sait pas lire un compte-rendu d'enquête. Lisons l'article pour en savoir plus...


En clair, les résultats de Nicolas Sarkozy, parmi la population qui a daigné le regarder le 31 décembre au soir, sont franchement mauvais, mais moins pire qu'il y a six mois. Le journaliste du Figaro peut donc logiquement conclure que "pour les Français, Nicolas Sarkozy est rassurant et rassembleur". On ne remerciera jamais assez Guillaume Tabard, ça c'est du grand journalisme !!

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