dimanche 13 septembre 2009

Dérapages communicationnels

Un doigt d’honneur, le racisme ordinaire d’un ministre, de petits employés triés sur le volet, des parents d’élèves encartés, des communiqués ratés… Comment les représentants de l’actuelle majorité politique peuvent à ce point perdre le contrôle de leur image, à l’heure de la professionnalisation de la communication politique, des trainings et autres spin doctors ?


Le moins que l’on puisse dire c’est que la rentrée est difficile dans la sphère politique, de chaque côté du clivage. Des questions de démocratie interne resurgissent à gauche, pendant qu’à droite c’est la perte de contrôle du véhicule communication. Vous trouverez en fin de billet le florilège des dérapages écrits, filmés, enregistrés qui sont apparus dans les medias ces derniers jours.

A l’heure où la communication politique a achevée sa professionnalisation, où les dirigeants politiques utilisent (pas tous mais une bonne partie) largement les médias numériques, il est plutôt étonnant de voir se succéder ces boulettes. Certains diront que c’est là une dérive liée justement aux nouveaux medias et à Internet ; chaque individu doté d’un téléphone mobile avec fonction vidéo deviendrait l’œil de Big Brother et participerait d’un système totalitaire où tout serait visible, contrôlé, disséqué. C’est la position notamment d’Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy, qui juge que « la transparence absolue, c’est le début du totalitarisme. […] Internet ne peut pas être la seule zone de non droit, la seule zone où aucune des valeurs habituelles qui permettent aux gens de vivre ensemble ne soit acceptée. »

On ne peut qu’acquiescer à ces propos apparemment emplis de bon sens, mais ceux-ci sont particulièrement en décalage avec le contexte et les évènements desquels ils sont la réaction. Pour se défendre, les dirigeants politiques attaquent, mais c’est un coup d’épée dans l’eau. En effet si la transparence absolue c’est le totalitarisme, en revanche la transparence absolue de la vie publique, c’est le début de la démocratie. Or il ne s’agit là que de moments plus ou moins insérés dans la vie publique : vie du parti politique majoritaire, intervention de ministre et du président « sur le terrain ». Bref, on n’est absolument pas dans le domaine de la vie privée des individus.

De plus il ne s’agit aucunement de vidéos « volées » ou réalisées par des internautes piégeant les protagonistes, mais à chaque fois ce sont des caméras de télévision (Canal+, Public Sénat, TSR, France2) qui rapportent les dérapages et les supercheries de dirigeants parfaitement conscients d’être filmés.

Le seul cas qui est mêlé au réseau Internet est le cas de la vidéo montrant l’ex-ministre de l’Identité Nationale tenant des propos relevant du « racisme ordinaire » dans un registre qui se voulait humoristique. En effet, ces images filmées par une équipe de télévision ne vont pas être diffusées par la chaîne. Mais elles vont quand même circuler dans les rédactions des medias de presse écrite avant d’être rendues publiques par le journal Le Monde sur son site Internet.

Cette mise en lumière est à la fois une double bonne nouvelle, et une mauvaise nouvelle.

Commençons par la mauvaise nouvelle. Le divorce des citoyens d’avec la classe politique ne peut être que renforcé par ce genre d’images. Si les électeurs sont toujours au rendez-vous lorsqu’ils ont l’impression que leur vote compte (référendum sur le TECE, 70% de participation ; présidentielles 2007, 84%) et qu’ils demandent plus de politique, ils restent très méfiants à l’égard de la classe politique et de ses institutions (partis, gouvernement, parlement). Nul doute que ces évènements risquent de les conforter dans cette attitude.

La bonne nouvelle, c’est que dans les liens complexes qu’entretiennent les champs politiques et médiatiques, il y a toujours un certain désalignement entre les deux qui poussent les journalistes à aller plus loin que le seul relai de la parole publique. Philippe Riutort, dans Sociologie de la communication politique, évoque cela :

la généralisation, à l’initiative des conseillers en communication, du spin control (le fait de « mettre en condition » les journalistes afin qu’ils retiennent du discours politique uniquement ce qu’en souhaite l’émetteur, lui livrant des confidences, jouant habilement du « off », l’alimentant en permanence en « informations ») conduit, par réflexe d’autodéfense professionnel, les journalistes politiques à se livrer, dans leur couverture de la politique, de façon croissante, au dévoilement des « artifices » et des « mises en scène » de la politique

La conséquence de ceci n’est autre que la confirmation que la liberté de la presse est toujours d’actualité. Et c’est plutôt une deuxième bonne nouvelle. Internet joue d’ailleurs un rôle d’aiguillon vis-à-vis de la presse classique dans la mesure où le choix de montrer ou non certaines images est plus lourd de conséquences. En effet, ne pas montrer une image qui in fine se retrouve sur internet et rencontre un certain succès, c’est prendre le risque d’un questionnement en retour sur la non diffusion des images. Preuve à l’appui, la liberté de la presse est encore une réalité


Le doigt d’Eric Besson (Canal+)

Le racisme ordinaire de Brice Hortefeux (Public Sénat)

Les petits ouvriers de Sarkozy (Télévision Suisse Romande)

Luc Chatel et la « parent d’élève-conseillère municipale UMP » (France 2)

Luc Chatel et l’orthographe (Le Point)
Luc Chatel commence mal son année scolaire. Le ministre de l'Éducation nationale a fait distribuer aux journalistes lundi un dossier de presse consacré à la rentrée scolaire truffé de fautes d'orthographe. Tout y passe : accords oubliés, conjugaison piétinée, erreurs de syntaxe... Morceaux choisis : 

- "La rèforme de l'enseignement primaire, qui est entré en application à la rentrée 2008, s'appuie sur des horaires etdes Les programmes, redéfinis par arrêtés du 9 juin 2008 qui s'articulent avec les sept grandes compétences du socle commun." 

- "En 2009 se sont 214.289 élèves qui ont suivi... " 

- "Ces formations concerneront prioritairement les enseignants qui exercent pour la première fois en école maternelles ." 

La rue de Grenelle, bien embarrassée par cette mauvaise publicité, a rapidement apporté "quelques petites corrections au dossier". Le correcteur automatique d'orthographe a été activé et le document est désormais disponible sur le site internet du ministère de l'Éducation nationale... sans faute. 

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