lundi 30 janvier 2012

Recentralisation ou tutelle ? (et autres approximations présidentielles au sujet des collectivités)

Après les lois Deferre en 1982 et Raffarin au milieu des années 2000, qui constituent les deux grands actes de décentralisation dans l'organisation administrative de la France, Nicolas Sarkozy a l'air de se demander s'il ne serait pas temps de siffler la fin de la récréation. Un vent de recentralisation a soufflé hier sur l'Elysée.

NS : Avec le Premier Ministre nous verrons les collectivités territoriales au mois de février car dans le même temps où l'Etat a supprimé 160 000 emplois publics, les collectivités territoriales en ont créé près d'un demi million, sans aucun transfert de compétences.

JM Sylvestre : Mais alors comment pouvez vous justement peser sur l'action des collectivités locales, qui font ce que l'Etat essaie de ne plus faire. Et quels sont les secteurs sur lesquels vous pourriez réduire les dépenses publiques ?

NS : Je parie toujours sur le bon sens des gens, toujours.

JM Sylvestre : Oh baah...

NS : Toujours, toujours. Et les gens qui dirigent les collectivités territoriales voient bien la situation du pays. Y a trois facteurs de déficit : l'Etat - on s'en occupe, la sécurité sociale qui a fait des efforts considérables (c'est la réforme des retraites), reste les collectivités territoriales. Nous envisagerons un certain nombre de mesures. Peut-être même faudra-t-il jusqu'à se demander si on ne devrait pas moduler les dotations en fonction de la sagesse en la matière de création de postes de fonctionnaires.


L'entretien se poursuit par une question de JM Sylvestre sur l'opportunité d'instaurer une "règle d'or" dans la gestion des finances des collectivités territoriales. Et là on se rend compte que ni Jean-Marc Sylvestre, ni le Président qui lui répond gaiement que c'est une bonne idée, n'ont l'air de savoir que les budget des collectivités sont forcément votés en équilibre, dans leurs versions primitives comme dans leurs versions modifiées. En clair, les collectivités n'ont pas le droit de financer le remboursement d'emprunts par d'autres emprunts, comme c'est le cas pour l'Etat. L’aplomb de Nicolas Sarkozy fait un peu peur quand on sait qu'il a été pendant trois ans Président de Conseil Général.

Une fois qu'on a mis de côté cette grossière erreur (parmi les nombreuses prononcées hier soir), on peut se concentrer sur le fond de la proposition présidentielle. D'abord sur le constat en ce qui concerne le nombre d'emplois créés et son éventuel poids dans la dette publique. Rappelons que la dette publique englobe à la fois la dette de l'Etat, celle des collectivités et celle de la sécurité sociale. Si on remonte à début 2007 (mais on pourrait remonter plus loin), on se rend compte que la contribution de l'Etat à la dette publique s'élève à 78%, lorsque celle des collectivités est à 10,2% (le reste étant la dette de la sécurité sociale : le fameux "trou"). Aujourd'hui, le volume de la dette a augmenté du fait de la crise économique : on est passé de 65% du PIB en 2007 à plus de 85% aujourd'hui. Mais dans le détail on remarque cependant que la part que représente la dette des collectivités dans le total de la dette publique est descendue à 9% sur la période, et celle de l'Etat est restée relativement stable (78,8%). Le mythe d'un Etat devenu bien géré, et des collectivités budgétairement indisciplinées ne résiste pas très longtemps. N'oublions pas non plus que les administrations locales assument plus de la moitié de l'investissement public en France.

Sur la "modulation des dotations" de l'Etat aux collectivités, on se demande si le Président connait bien sa constitution (et le Premier ministre aussi, qui avait déjà fait une sortie sur le sujet en novembre dernier). En effet, l'article 72 de la constitution précise bien que tout transfert de compétences de l'Etat aux collectivités doit être accompagné d'un transfert du financement.

Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

Article 72-2, Constitution de la Ve République


Pour baisser de manière importante les dotations de l'Etat aux collectivités, il faudrait soit passer par la recentralisation de la France (transfert de compétences dans le sens inverse, des collectivités vers l'Etat, bon courage !), soit la mise sous tutelle. Mais la constitution est encore une fois très claire : "les collectivités s’administrent librement par des conseils élus".

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samedi 21 janvier 2012

Temps de travail des français : l'OFCE répond au COE-Rexecode

Le blog tente de sortir de son sommeil... peut-être pour se rappeler qu'il y a un petit peu moins de 5 ans il naissait. Le contexte était déjà à la campagne présidentielle, mais la crise n'était pas encore au rendez-vous.

A propos de blog et de Présidentielle, sur le blog de la Présidentielle 2012 alimenté par l'OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Economiques), Eric Hayer et Mathieu Plane ont publié une note dans laquelle ils reviennent sur les conclusions de l'enquête du COE-Rexecode (Centre d’observation économique et de Recherche pour l’Expansion de l’économie et le Développement des Entreprises) à propos du temps de travail des Français.

Ils apportent un éclairage intéressant qui vient partiellement contredire les conclusions du premier rapport, notamment en ce qui concerne les performances de la France comparées à celle de l'Allemagne sur la dernière décennie. On n'a pas fini de comparer nos deux pays...

Il en ressort que les créations d'emploi ont été plus dynamiques en France qu'en Allemagne, et surtout moins précaires. Que si le PIB par tête a cru plus rapidement en Allemagne qu'en France c'est principalement du aux évolutions inverses du dénominateur : alors que la population française a augmenté de 7% en 10 ans, la population allemande a légèrement diminué. Enfin, la valeur ajoutée semble mieux répartie en France qu'en Allemagne ; les politiques économiques de rigueur salariale qui permettent à l'Allemagne d'enfoncer ses partenaires de la zone Euro et d'afficher des performances souvent prises en modèle, minent en réalité le pouvoir d'achat des salariés d'outre-Rhin.

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