jeudi 29 mai 2008

Que mangent les célibataires ?

Merci l'INSEE !! Dans le dernier numéro d'Insee Première, on a le droit à une petite étude sur l'alimentation des personnes vivant seules. Ca vaut le coup d'oeil : c'est par là.

On remarque que les femmes mangent plus de fruits et légumes que les hommes. Ces derniers se rattrapent du côté de la viande et de l'alcool. Globalement la variable du genre est souvent plus clivante que celles de l'âge, du niveau de diplôme ou de revenus.

Crédit photo : pizza + beer = dinner par berbercarpet

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Hors les murs

Chez Baptiste Coulmont on découvre que des enseignants du département de sociologie de Paris 8 organisent des stages de terrain pour les étudiants en licence (court billet à lire ici). 4 stages en deux années universitaires, qui ont permis à chaque fois à une petite quinzaine d'étudiants de mettre en œuvre les apports théoriques et méthodologiques de leur cursus universitaire. On peut lire les impressions des étudiants qui ont participé à ces stages ici. (Faire écrire par les étudiants ces petites impressions, c'est une bonne technique de communication pour faire de la pub et inciter les futurs étudiants à s'inscrire au stage ;-))

C'est incontestablement un plus dans un cursus que de se retrouver hors les murs de sa fac pour se confronter au terrain. Je ne pense pas me tromper si je dis que chaque formation universitaire en sociologie (ou presque) exige des étudiants qu'ils mènent des enquêtes de terrain, produisent des petits rapports, des comptes-rendus d'enquêtes. Mais c'est bien la première fois que j'entends parler d'une initiative de ce genre, c'est-à-dire des enquêtes par dépaysement, menées collectivement par un groupe d'étudiants qui vit, pendant une semaine, loin de la fac, avec leurs professeurs, et le tout financé par l'université, dans le cadre d'un département de sociologie.

Cela se fait déjà dans d'autres disciplines de Sciences Humaines et Sociales : je pense notamment à l'histoire, à la géographie. Lors de mon passage à l'Université de Nantes j'ai vu défiler bon nombre d'étudiants envoyés par leurs professeurs à la recherche de subventions pour financer leurs périples. En clair, même si la volonté de proposer ce type de stage aux étudiants étaient là, il manquait encore quelques ressources financières pour mener à bien les projets. Encore une manifestation de la fameuse règle du 80/20 dans le quotidien des étudiants de facs (80% des moyens pour 20% des étudiants et inversement, le dualisme de l'enseignement supérieur français passant par là). Et ces stages étaient bien souvent proposés à des étudiants de Master 2, déjà sélectionnés, et arrivés à un stade avancé de leur formation. Ici ce sont bien des étudiants de Licence qui sont le public de ces stages !

Espérons que Paris 8 puisse servir d'exemple aux autres universités. Habituellement, le début du commencement de la reconnaissance des professeurs pour leurs étudiants n'intervient pas avant la barrière de la Licence. A de rares exceptions près, les étudiants de trois premières années sont avant tout considérés comme des hordes de jeunes sauvageons - ils n'ont pas 20 ans - emplissant des amphis et explosant les salles de TD, perdus dans l'anonymat. Pas facile de se socialiser dans son nouvel espace de travail dans pareilles conditions. Ces stages sont certainement de bonnes expériences de socialisation au métier de sociologue et au "métier d'étudiant". Ils peuvent par ailleurs renforcer le sentiment d'appartenance à une "communauté universitaire" (si tant est qu'elle existe) - ou au moins un sentiment d'appartenance à l'institution - dont on sait qu'il est primordial pour garantir la réussite des étudiants.

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mardi 27 mai 2008

La stratégie du TBI


Derrière le sigle TBI se cache le Tableau Blanc Interactif. De quoi s'agit il ? Imaginez un ordinateur relié à un vidéoprojecteur classique (jusqu'ici tout va bien) projetant l'image du bureau sur un écran blanc un peu particulier. Cet écran contient une grille qui va permettre de repérer les mouvements d'un stylet spécial lorsqu'on approche celui-ci du tableau. Le stylet permet entre autre de guider le pointeur de la souris. En gros, votre écran d'ordinateur est sur le tableau, et vous travaillez avec un stylet à la place de votre souris.

C'est magique, ça écrit, ça ouvre des logiciels, ça permet de ne plus être scotché à son écran, et de faire travailler les élèves sur des supports plus pratiques et maniables que la feuille de papier photocopiée. Le grand écran a les vertus du tableau classique pour le travail collectif, l'interactivité en plus. Comme toute innovation dans le domaine de l'enseignement, le TBI est un moyen et pas une fin en soi. Il n'en reste pas moins que ce type de tableau risque de devenir, de par les fonctionnalités qu'il offre, l'outil incontournable des salles de classes dans les 5-10 ans à venir.

En ce moment c'est la guerre entre les firmes qui produisent ce genre de matériel très spécifique (et encore particulièrement onéreux, plus de 1000€ l'unité au bas mot). De deux choses l'une : j'imagine que la production de ce genre de matériel doit demander une échelle de production relativement grande pour que le modèle économique de l'entreprise devienne rentable ; une fois la rentabilité assurée, le marché du TBI est potentiellement gigantesque à travers le monde. Ne serait-ce qu'en France, on compte 68000 établissements scolaires (avec parfois plusieurs dizaines de salles de classe). Et si on ajoute à cela les applications extra-scolaires, on ne compte plus les salles de réunions d'entreprise qui pourraient bénéficier de ce genre d'équipement. D'ailleurs au départ le TBI était plutôt voué au monde du travail qu'à celui de l'éducation.

La stratégie des producteurs doit donc consister à gagner le plus rapidement possible la majorité des parts de marché. Comme bien des marchés liés aux nouvelles technologies, seule la position de quasimonopole est rentable : lorsqu'un utilisateur s'attache à une version (d'un logiciel, d'un système d'exploitation, d'un périphérique), il est difficile de lui faire changer ses habitudes. Les barrières à l'entrée du marché sont donc très importantes : on pense bien sûr au modèle du genre, le marché des systèmes d'exploitations, complètement verrouillé par Microsoft sur PC jusqu'à l'arrivée des plateformes libres. On comprend alors que les marchés publics représentent une manne importante pour les constructeurs de TBI. Un contrat avec un rectorat et hop, des dizaines d'établissements équipés. Pour l'instant, Promethean et Hitachi sont les deux marques les plus diffusées. En France, au dernier trimestre, un TBI vendu sur deux était de marque Hitachi. Le japonais a d'ailleurs dépassé Prométhean. La concurrence fait rage, et la concurrence tue la concurrence : si la marque Smart progresse encore au niveau mondial, eBeam et Mimio voient leurs résultats en baisse.

C'était sans compter sur l'offensive de InterwriteLearning qui vient de signer une convention de coopération avec les IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres): 31 TBI offerts, un pour chaque IUFM. Ca c'est stratégique ! Les IUFM, en tant que centre de formation initiale et continue des enseignants, voient passer des générations entières de nouveaux profs, souvent plus à l'aise avec les technologies de l'information et de la communication appliquées à l'enseignement que leurs prédécesseurs (même si toutes les générations d'enseignants s'y mettent progressivement). S'il y avait une cible à viser, c'était bien celle-là. Maintenant il faut relativiser l'impact de la stratégie de Interwrite. Bon nombre d'IUFM sont déjà équipés en TBI. De plus chaque IUFM est "explosé" sur plusieurs sites (par exemple l'IUFM de Poitou-Charentes est divisé en quater sites : Poitiers, Niort, La Rochelle, Angoulême). Il n'en reste pas moins que le geste est fort, alors que le secteur de l'éducation représente près de 80% du marché des TBI. Ma main à couper que la structure du marché des TBI dans 5 ans aura plus la forme d'un oligopole (voire d'un duopole) que d'un marché de concurrence atomistique, avec des barrières à l'entrée qui empêcheront les entrants potentiels.

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lundi 26 mai 2008

Bien dans ma boite ?

"Les collègues sont sympas, le patron pas trop regardant, le job intéressant, j'aime ma boîte". Apparemment, tout le monde n'est pas d'accord pour décrire son cadre de travail comme un lieu idyllique, le lupanar du lien social, le kif suprême. La DARES continue d'exploiter les résultats de son enquête SUMER (pour surveillance médicale des risques), réalisée en 2003, et montre aujourd'hui que plus d'un salarié sur 6 (17% exactement) disent être l'objet de comportements hostiles sur leur lieu de travail. Et lorsque l'on demande aux enquêtés de considérer toute leur carrière professionnelle, le chiffre monte à 1 sur 4 (25%).

"Hostile, moi ? Vous devez vous tromper"
C'est quoi au juste un "comportement hostile" dans le monde du travail. Est-ce que retirer le PQ des toilettes pour emm... le prochain entre dans la catégorie ? Et celui qui pourrit la machine à café tellement fort qu'elle fait TILT et que personne ne peut plus avoir sa dose, est-il hostile ? Par "comportements hostiles" il faut comprendre comportements méprisants, déni de reconnaissance du travail, jusqu'à atteintes dégradantes. Cela va de l'indifférence la plus totale d'un collègue à son égard jusqu'au harcèlement sexuel. Avec une typologie bien précise que vous pouvez retrouver directement dans le compte rendu en ligne sur le site de la DARES.

Les différences homme/femme
Les résultats de l'enquête montrent plusieurs choses. Ce sont les femmes qui se disent le plus victimes des comportements méprisants. Par contre, et ce n'est pas une surprise, les hommes se plaignent plus d'un déni de reconnaissance de leur travail. Les auteurs du résultat de l'enquête le précise, mais j'y avais déjà fait allusion ici ou là, l'activité professionnelle est plus importante dans la construction de l'identité masculine que féminine. Preuve que l'égalité des sexes n'est pas pour demain, nous les hommes avons des restes de notre ancêtre pas très lointain, le pourvoyeur unique de revenu du ménage. On aurait cru que la salarisation des femmes aurait pu rééquilibrer un peu les choses : les hommes trouvant dans leur cocon familial une part de la reconnaissance nécessaire à chaque être humain pour vivre, les femmes dans leur job. Que neni. Je ne vois qu'un seul avantage à cela : les femmes, en diversifiant leurs sources de reconnaissance, font preuve de leur intelligence supérieure, et en plus se protège plus efficacement contre le suicide.

Autre variable, l'entreprise en elle-même.
Il est assez intéressant de remarquer que les petites et les grandes entreprises semblent freiner les comportements hostiles. Ce sont dans les entreprises de taille moyenne (50-500 salariés) que les salariés se plaignent le plus de mauvaises conditions psychologiques de travail. Il est à noter que mauvaises conditions physiques et psychologiques vont généralement de pair : ainsi les travaux les plus pénibles sont associés au signalement de comportements hostiles, ainsi que les secteurs soumis à des tensions (exigence d'une productivité importante, menace de perte d'emploi), et les activités connotées négativement dans la société (nettoyage, sécurité).

Limites de l'enquête
Pour intéressant qu'elle soit, cette enquête souffre d'un manque important : elle n'inclut pas les fonctions publiques d'Etat et territoriale. Il aurait été intéressant de pouvoir comparer les grands secteurs, public et privé. t il aurait été d'autant plus intéressant de pouvoir mener une étude longitudinale afin d'observer (ou non) des évolutions dans le temps, traduisant probablement les évolutions des méthodes de travail dans la fonction publique au cours de ces dernières décennies. Un comparatif international aurait également pu être intéressant, mais les harmonisations statistiques n'atteignent pas encore des degrés aussi fin. Il serait pourtant intéressant de voir s'il existe des disparités importantes, ne serait ce qu'au sein de l'Union Européenne. M'est avis que des sociétés plus égalitaires telles que les sociétés nordiques (qui ont également développé au maximum les cultures d'entreprise), obtiendraient de meilleurs résultats.

En parlant de culture d'entreprise et de symbiose corporate, on n'a jamais fait mieux que la Cogip :



Source : Un salarié sur six estime être l’objet de comportements hostiles dans le cadre de son travail, Premières synthèses premières informations, Dares, mai 2008.

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jeudi 22 mai 2008

Les Années

Je viens de terminer la lecture du dernier ouvrage d'Annie Ernaux, Les Années. Je ne peux que trop vous en conseiller la lecture. Probablement l'œuvre la plus aboutie de l'auteur. Je livre ici un extrait que je trouve intéressant, même s'il n'est pas forcément représentatif de la globalité du livre.

Le clic sautillant et rapide de la souris sur l'écran était la mesure du temps.

En moins de deux minutes se retrouvaient : des copines du lycée Camille-Jullian, Bordeaux, classe de seconde C 2, 1980-1981, une chanson de Marie-Josée Neuville, un article de 1988 dans L'Huma. La recherche du temps perdu passait par le web. Les archives et toutes les choses anciennes qu'on imaginait même pas pouvoir retrouver un jour nous arrivaient sans délai. La mémoire était devenue inépuisable mais la profondeur du temps - dont l'odeur et le jaunissement du papier, le cornement des pages, le soulignement d'un paragraphe par une main inconnue donnaient la sensation - avait disparu. On était dans un présent infini.

On n'arrêtait pas de vouloir le "sauvegarder" en une frénésie de photos et de films visibles sur-le-champs. Des centaines d'images dispersées aux quatre coins des amitiés, dans un nouvel usage social, transférés et archivées dans des dossiers - qu'on ouvrait rarement - sur l'ordinateur. Ce qui comptait, c'était la prise, l'existence captée et doublée, enregistrée à mesure qu'on la vivait, des cerisiers en fleur, une chambre d'hôtel à Strasbourg, un bébé juste né. Lieux, rencontres, scènes, objets, c'était la conservation totale de la vie. Avec le numérique on épuisait la réalité.

Sur les photos et les films classés par date qu'on faisait défiler sur l'écran, par-delà la diversité des scènes et des paysages, des gens, se répandait la lumière d'un temps unique. Une autre forme de passé s'inscrivait, fluide, à faible teneur de souvenirs réels. Il y avait trop d'images pour s'arrêter sur chacune et ranimer les circonstances de la prise. Nous vivions en elles d'une existence légère et transfigurée. La multiplication de nos traces abolissait la sensation du temps qui passe.

Il était étrange de penser qu'avec les DVD et autres supports les générations suivantes connaîtraient tout de notre vie quotidienne la plus intime, nos gestes, la façon de manger, de parler et de faire l'amour, les meubles et les sous-vêtements. L'obscurité des siècles précédents, peu à peu repoussée de l'appareil sur trépied chez le photographe à la caméra numérique dans la chambre à coucher, allait disparaître pour toujours. Nous étions à l'avance ressuscités.
(...)

La lune, quand on levait la tête la nuit, brillait fixement sur un monde dont on ressentait en soi la vastitude, le grouillement, sur des milliards d'individus. La conscience se dilatait dans l'espace total de la planète, vers d'autres galaxies. L'infini cessait d'être imaginaire. C'est pourquoi il était inconcevable de se dire qu'on allait mourir un jour.


J'espère que ces quelques lignes vont vous donner l'envie de découvrir le livre dans son intégralité.

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Le poids des normes, le choc des valeurs

Un billet qui n'est pas des plus sérieux, mais qui est une bonne illustration pour aborder la question des normes et des valeurs, de la déviance et du rôle des entrepreneurs de morale. D'un côté, des naturistes pour qui la "culture du corps libre" prend une place centrale dans leurs systèmes de valeurs, si bien que la norme qui en découle est la pratique de la nudité. De l'autre un tour-opérateur allemand qui voulait profiter du filon et se faire un peu de pub : il propose un vol Erfurt-Usedom dans le plus simple appareil. Au milieu, les clients habituels du tour opérateur n'apprécient que moyennement la douce déviance des naturistes. Par peur de perdre sa clientèle fidèle, dans un contexte de concurrence rude, le tour opérateur va finalement renoncer à organiser le vol inédit. Mais il ne renonce pas à l'opération de com ;-)

Lu sur Libération.fr, "Le premier vol naturiste annulé".

Le premier vol charter pour naturistes n’aura finalement pas lieu. Pour des «réserves morales» exprimées par certains clients, son promoteur, le tour-opérateur «OssiUrlaub», a décidé de jeter l'éponge.

Le vol limité à 50 amateurs de «FKK» («Culture du corps libre»), la dénomination allemande du naturisme, affichait pourtant complet. Mais son promoteur a décidé de l’annuler suite à des commentaires quelque peu critiques exprimés dans les médias, ou sur son site web.

«OssiUrlaub» avait suscité un grand intérêt médiatique en annonçant en janvier l’organisation de ce vol aller-retour dans la journée du 5 juillet prochain entre Erfurt (sud-ouest de l’ex-RDA) et l’île d’Usedom, en mer Baltique, l’aventure, facturée 499 euros par personne.

La publicité précisait que, «tous les passagers voyageront nus, mais on ne pourra se déshabiller qu’une fois dans l’avion»et de préciser que «pour des raisons de sécurité, le pilote et le personnel de bord voyageront habillés».

«OssiUrlaub», qui aura bénéficié d’une importante publicité gratuite grâce à cette annonce, continue toutefois à commercialiser d’autres offres pour nudistes, y compris un circuit en Afrique du Sud avec séjours dans des «lodges» naturistes.

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lundi 19 mai 2008

Dix jours sans écran

Vous en avez peut-être entendu parler sur les ondes, on apprend aujourd'hui que les élèves d'une école de la banlieue de Strasbourg participent à une expérience peu ordinaire : 10 jours sans écran. A partir de demain et jusqu'au 30 mai les petites têtes blondes vont devoir se passer de leurs écrans, la télévision bien sûr mais également l'accès Internet et la console de jeu. Une chose est sûre, je serai bien incapable de tenir ce pari (sauf entre le 15 juillet et le 15 aout peut-être).

L'expérience peut être profitable, il s'agit pour ces élèves de réapprendre à jouer aux jeux de société, à refaire du sport. Même si je ne suis pas persuadé qu'ils
avaient oublié les jeux de plateau et le sport, il est évident que les jeunes générations évoluent dans un environnement particulier. Ils sont nés avec le numérique (un élève de CM2 aujourd'hui est né en même temps que les premières offre ADSL de France Télécom), et sont la proie de flux d'images incessants, probablement plus que la génération de leurs grands frères et sœurs. Une étude de l'UNAF souligne qu'un enfant de 10 ans passe, en moyenne annuelle, 1500 heures devant quatre écrans (TV, net, console, téléphone), 800 heures à l'école et... seulement 50 heures de discussion avec ses parents.

Sans jouer les jeunes réac, tous les profs savent que l'hyper-sollicitation des élèves est la source de bien des difficultés dans les situations d'apprentissage. Le problème n'est pas tant dans la consommation d'image. Après tout les générations nées avec la télévision ne sont pas plus bêtes que celles qui les avaient précédées (elles sont plutôt plus intelligente d'ailleurs). C'est plutôt la mauvaise consommation, la consommation "de travers". Tout comme la mauvaise utilisation d'Internet. Il ne suffira pas d'interdire d'image toute la jeunesse de ce pays pour résorber tous ses maux. Mais il est urgent d'éduquer à l'image et à l'usage d'internet. Pour que l'usage ne se transforme pas inexorablement en "mésusage". Je note d'ailleurs que l'expérience de Strasbourg a été précédée, tout au long de l'année, d'une solide formation à l'image pour les élèves. Le seul sevrage n'aurait eu que peu d'intérêt.

Je reprends ici un extrait d'un texte de Philippe Meirieu que je trouve, comme souvent, très intéressant :

La publicité court-circuite toute réflexion et exalte le passage à l’acte immédiat. La télévision zappe plus vite que les téléspectateurs pour les scotcher à l’écran et les empêcher de passer sur une autre chaîne. Le téléphone portable réduit les relations humaines à la gestion de l’injonction immédiate. Ce n’est pas un complot – celui de soixante-huitards qui auraient décidé de saboter l’instruction du peuple - , c’est une conspiration : tout « respire ensemble » et susurre à l’oreille des enfants et adolescents : « maintenant, tout de suite, à n’importe quel prix… »

Il ne faut pas s’étonner, dans ces conditions, qu’il soit devenu plus difficile d’éduquer aujourd’hui : les parents savent l’énergie qu’il faut dépenser pour contrecarrer l’emprise des modes, des marques, des stéréotypes imposés par les « radios jeunes » et répercutés par les médias. Les professeurs constatent, au quotidien, la difficulté de construire des espaces de travail effectif, de permettre la concentration, de former à la maîtrise de soi et à l’investissement dans une tâche. Ils voient leurs élèves arriver en classe avec une télécommande greffée au cerveau, un phallus high-tech qui dynamite tous les rituels scolaires qu’ils peinent à mettre en place. La préoccupation principale des enseignants – ce qui les épuise aujourd’hui - est de faire baisser la tension pour favoriser l’attention. Et le malaise est là : moins dans le niveau qui baisse que dans la tension qui monte.


Pour retrouver le texte intégral du texte de P. Meirieu, c'est par ici.

A lire également, une interview de Joël de Rosnay "De nouvelles formes d'intelligence et de nouvelles dépendances"


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samedi 17 mai 2008

La croissance est revenue !

Ma mère voici le temps venu
D'aller prier pour mon salut
La croissance est revenue
Bougnat tu peux garder ton vin
Ce soir je boirai mon chagrin
La croissance est revenue
Toi la servante toi la Carla
Vaudrait peut-être mieux changer nos draps
La croissance est revenue
Mes amis ne me laissez pas
Ce soir je repars au combat
Maudite Croissance puisque te v'là

Bruxelles Bruxelles ne t'emballe pas
Fais comme si tu ne savais pas
Que la croissance est revenue
Bercy arrête de répéter
Résorber les déficits avant l'été
Car La Croissance est revenue
Majorité arrête de bringuebaler
Souviens-toi qu'elle t'a déchiré
La Croissance qui est revenue
Mes amis ne me laissez pas
Dites-moi dites-moi qu'il ne faut pas
Maudite Croissance puisque te v'là

etc...

Sur une musique de G. Jouannest, 1964

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jeudi 15 mai 2008

Jean-Marc Sylvestre, les profs détachés et le mal journalisme

Ce matin sur France Inter, Jean-Marc Sylvestre reprenait le chiffre rappelé dans les colonnes du Figaro d'aujourd'hui : 23000 enseignants se trouvent "détachés" et ne sont donc pas face à des élèves. 23000 faignants, vous rendez-vous compte !? En fait le journaliste économique a raconté n'importe quoi, sans que personne ne l'arrête pour lui dire.

Trois erreurs en deux secondes, record battu !
Première erreur : "détachés" peut signifier certes "détachés" à d'autres fonctions que l'enseignement, mais ce n'est pas pour autant qu'ils ne travaillent pas. Et cela peut signifier également "détachés" à d'autres ministères que celui de l'Education Nationale. C'est notamment le cas des professeurs dans les établissements français de l'étranger qui sont sous la tutelle du Ministère des Affaires Etrangères, et qui pourtant font bien cours devant des élèves (cela représente environ 5500 professeurs, soit 1/4 des détachés selon le chiffre de JMS).

Jean-Marc Sylvestre a persévéré dans l'erreur. Il a rapporté ces 23000 enseignants détachés à un total de 210000 enseignants. Où a-t-il été cherché ces 210000 enseignants ? Mystère et boule de gomme... Rappelons qu'il y a 884000 enseignants en France, 740000 si on ne compte que l'enseignement public.

Troisième bourde en deux secondes, lorsqu'il calcule le rapport il s'écrie "23000 sur un total de 210000, 1 sur 4 !". Nicolas Demorand ne bronche même pas, il entend que 25% des enseignants ne foutent rien et ça passe comme une lettre à la poste. Oui mais seulement voila, 23000/210000 ça fait un peu plus de 10% et non pas 25% ! Si vous ne me croyez pas cliquez ici. Et encore, 10% ça fait beaucoup, puisque je vous le rappelle le chiffre de 210000 ne correspond à rien. Si on rapporte 23000 à 884000, on obtient 2.6% !!

2.6% d'enseignants détachés, ça ne veut toujours pas dire grand chose...
A quoi ressemble ces détachements ? Que font ces enseignants ? J'ai déjà mentionné les quelques 5000 enseignants à l'étranger. Ensuite le plus souvent il s'agit d'une ou de quelques heures de décharge hebdomadaire : les profs qui préparent des classes de terminale au baccalauréat peuvent bénéficier d'une heure de décharge. Amusez-vous à corriger des copies de bacs blancs et vous pourrez juger de l'injustice que représente cette heure de décharge.

Certains enseignants assument des responsabilités de formation auprès de leurs collègues (formateur en technologie de l'information et de la communication dans l'enseignement, formateur en IUFM auprès des enseignants-stagiaires, etc).

D'autres enseignants sont titulaires mais remplaçants (inconcevable au foot, mais pas dans l'éducation nationale) et il peut arriver que pendant des périodes plus ou moins longues ils ne soient pas appelés à enseigner devant les élèves. Mais critiquer les TZR (Titulaire en zone de remplacement) parce qu'ils ne sont pas devant des élèves reviendraient en quelque sorte à balancer à un pompier que c'est un parasite de la société alors qu'il est dans sa caserne, sur le qui-vive, à attendre l'alerte. Et bien le TZR c'est pareil, il est sur le qui-vive, mobilisable dans les 24h, doit accepter de jouer les remplaçants, parfois à des dizaines de km de son domicile. Et lorsqu'il n'a pas d'élèves devant lui, il souffre d'un manque de reconnaissance qui peut parfois emmener jusqu'à la déprime.

Les situations sont donc tout à fait diverses et il est mal venu d'agréger toutes les heures de décharges pour ensuite les totaliser sous la forme d'équivalent temps plein, et asséner dans la presse que l'éducation national compte 23000 tire-au-flanc dans ses rangs. Ces estimations sont issues d'un rapport de 2004 de la Cour des Comptes, et elles avaient déjà fait grand bruit au moment de leur parution. Journalistes et politiques s'étaient, déjà à l'époque, empressés de les interpréter n'importe comment pour crier au scandale. Philippe Séguin, Premier Président de la cour des comptes, avait alors du fermement remettre les points sur les i :
On pourra constater que la Cour appelle à la plus grande prudence dans l’utilisation des données qu’elle livre. Qu’elle précise bien que les effectifs des populations étudiées ne peuvent être, généralement, appréhendés qu’en équivalent temps plein, parce que les prélèvements effectués dans les ressources enseignantes ne portent presque jamais sur des emplois complets ; qu’en conséquence, comme il est souligné au rapport, l’extrapolation de ces données en personnes physiques ou en emplois serait erronée. (...)

La Cour elle-même souligne que quelles que soient les sommations d’effectifs que l’on fera pour les besoins de tel ou tel raisonnement, le phénomène rassemble des populations très différentes. La multiplicité des motifs de leur éloignement des élèves ou des activités pédagogiques, l’absence d’unité de comportement d’une académie à l’autre, la relative individualisation des justifications des situations, leurs différences de durée, rendent je cite toujours : « absolument impossible une appréciation globale indifférenciée ».

L'intégralité de l'intervention de P. Séguin


En tout cas, une chose est sûre, Le Figaro et Jean-Marc Sylvestre ne sont pas prêts de figurer sur la liste noire des médias de notre Président à tous.

NB : JMS a bien mérité son prix Donald, non ?

EDIT 1 : J'ai trouvé d'où viennent les 210000 profs dont parlent JM Sylvestre. Ce sont les professeurs qui bénéficient des décharges horaires. Si on met bout à bout l'ensemble des ces décharges on parvient au chiffre de 23000 équivalents temps plein. Je l'ai retrouvé dans l'article du Figaro dont l'éditorialiste économique de France Inter a dit s'être inspiré. Il faut croire qu'il n'arrive même plus à lire son correctement son quotidien préféré.

EDIT 2 : sur le blog DéChiffrages, Jean-François Couvrat enfonce le clou un peu plus.

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Jedi's links [11]

Ça faisait longtemps... On reprend les liens du jeudi !

L'annonce de la découverte du blog de Frédérique Giraud par mon collègue Denis Colombi m'a conduit à faire le ménage de printemps dans ma collection de flux qui égaye mon "agrégateur" préféré. Encore un mot qui devrait faire son apparition dans la langue française, issu de l'anglais aggregator. Cela m'a permis de constater qu'il manquait dans la colonne des liens (à gauche) quelques blogs que je consulte fréquemment. Je répare donc ces omissions en rajoutant notamment :

- le blog de Fabrice Fernandez, docteur en sociologie. Son blog porte sur la sociologie de la santé et des problèmes sociaux. Je remarque que les blogs de sociologues ont souvent un degré de spécialisation plus important que les blogs d'économistes. Ce n'est pas une critique, loin de là, simplement une constatation.

- le site Paroles de sciences sociales, qui recense de nombreuses citations de sociologie et d'économie. C'est toujours un plaisir de lire quotidiennement ces morceaux choisis.

- Skav.org/blogeco, l'agrégateur de la blogosphère économique (Français Anglais), un must comme on dit chez les has been.


Fonctionnement des institutions
On peut lire chez Maître Eolas un billet qui permet de comprendre ce qu'il s'est passé mardi à l'Assemblée Nationale, et comment la motion de procédure a pour une fois abouti à propos de la loi sur les OGM :
- Dégât des eaux à l'Assemblée Nationale

Localisme universitaire
Encore un post sur ce sujet (j'en parlais mardi) cette fois sous la plume (le clavier) d'Alexandre Delaigue, à lire donc sur le blog Econoclaste. Très bonne fiche de révision si vous n'avez pas le temps de lire toutes les contributions au débat parues jusqu'à maintenant, avec une valeur ajoutée certaine.

Du côté de l'INSEE

Signalons la parution d'un numéro d'INSEE Première consacré au moral... des patrons de l'industrie. On a plutôt l'habitude de sonder le moral des ménages. Ce coup-ci c'est au tour des chefs d'entreprise de l'industrie de livrer leur opinion sur la mondialisation et la place de la France dans celle-ci. On remarque que les chefs d'entreprise font passer la compétitivité-produit avant la compétitivité-prix comme facteur de performance sur les marchés étrangers. Est-ce un signe de résignation face à l'euro fort ?
- Insee Première n°1188 - mai 2008, Mondialisation et compétitivité des entreprises françaises. L’opinion des chefs d’entreprise de l’industrie

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mercredi 14 mai 2008

Vieillissement et nouvelles technologies

Si comme moi vous vous réjouissez d'avoir un beau-père sexagénaire accroc à Skype et à sa webcam pour communiquer avec ses enfants éloignés, une voisine à la retraite qui cherche à comprendre comment fonctionne la SD Card de son appareil photo numérique, une vieille tante toute fière de vous apprendre qu'elle vient de s'inscrire à ses premiers cours d'informatique, une maman qui a enfin dompté cet animal bizarre qu'est la souris, alors vous serez heureux d'apprendre que la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) a donné pour thème à son Université de Printemps l'innovation numérique et le vieillissement.

Le vieillissement de la population et l'avènement des technologies numériques sont deux phénomènes de société majeurs en ce début de XXIe siècle. Il existe un véritable fossé numérique entre les générations, même s'il n'est pas uniquement sous tendu par cette variable (voir ici). Je trouve l'initiative qui consiste à faire se rencontrer des recherches menées sur ces deux phénomènes particulièrement intéressant. En plus cela devrait donner lieu à la présentation de nouveaux usages toujours passionnants pour les geeks et autres nerds de tous poils. Le tout visible en streaming en direct. Ca se passe à Aix, les 5 et 6 juin.

>>> Pour en savoir plus

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mardi 13 mai 2008

Localisme et localisme

Ça parle beaucoup de localisme dans l'enseignement supérieur en ce moment.

Le "localisme", cause ou conséquence des dysfonctionnements des modalités de recrutement des enseignants-chercheurs ? Les avis sont partagés, et les discussions vont bon train. Les sociologues Olivier Godechot et Alexandra Louvet avaient tiré la première salve le 22 avril dernier (on peut la lire ici, et on peut voir une interview d'O. Godechot sur Rue89). Puis les économistes Olivier Bouba-Olga et Anne Lavigne, acteurs bien connus de la blogosphère économique, accompagnés du sociologue Michel Grossetti, ont signé un papier discutant le premier hier sur le site La vie des idées. Réponse quasi instantanée du berger à la bergère, O. Godechot et A. Louvet signent un contre-papier aujourd'hui même. Signalons également la réaction de Philippe Cibois sur Socio-Logos, la revue électronique de l'Association Française de Sociologie.

On ne compte plus les réactions sur les blogs au premier papier de Godechot-Louvet et maintenant à cette discussion : vous pouvez le vérifier ici.

Je trouve que cette discussion montre la bonne santé des sciences sociales, notamment de par leur capacité à discuter de manière constructive un sujet qui touche précisément au champ de la recherche. On approche d'un degré de réflexivité qu'un Pierre Bourdieu aurait probablement été heureux de constater. Que ce genre de discussions puissent apparaître à un niveau aussi visible depuis l'extérieur de l'entre-soi de la "communauté scientifique" ne peut être qu'une bonne chose. M'est avis que le web2.0 n'y est pas pour rien. En tout cas, quand je lis les différents papiers, je ne peux m'empêcher de penser à l'article que Bourdieu avait signé en 1975, La spécificité du champ scientifique et les conditions sociales du progrès de la raison dans lequel il n'hésitait pas à affirmer que la science n'était finalement qu'un "champ social comme un autre, avec ses rapports de force et ses monopoles, ses luttes et ses stratégies, ses intérêts et ses profits".

Toutes ces discussions permettent de mieux comprendre les choses, et donc de poser les bonnes bases pour les faire bouger... Si tant est que le localisme soit une mauvaise chose, ce qui finalement reste à prouver ;-).

Nb : après la lecture de ces papiers, si j'entends encore quelqu'un me dire que la sociologie n'est pas une science... je ne sais pas ce qui me retiendra de lui... Mais restons calme.

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vendredi 9 mai 2008

Vite fait en passant

Plus une seconde pour réfléchir à un vrai billet. Stand by forcé pendant quelques semaines encore. Mais la sortie de GTA IV fait couler les pixels noirs à flot sur les blogs. Alors je me dois de prévenir mes amis gamers (Manu c'est pour toi entre autres) au cas où ils n'auraient pas les bons flux RSS chargés dans leurs Netvibes. Vous devez absolument lire :



Je sais pas ce qu'il en est pour vous, mais ma décision est prise : juin rimera avec Xbox360+GTA4 !! Yeepee !

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