Alors que se tenait il y a quelques jours à Paris l'Assemblée Générale constituante de l'association Osez Le Féminisme, le contenu de ma boîte aux lettres et le dernier numéro de la revue Travail, Genre et Société m'indique que cette jeune association a encore du pain sur la planche !
La répartition des tâches domestiques, l'éternelle inégalité ?
Dans le dernier numéro de la revue Travail, Genre et Société, Rachel Silvera signe un article qui dresse un panomara non exhaustif mais très intéressant de ce qui se fait au niveau communautaire en matière de politiques publiques visant à améliorer la "conciliation" entre vie familiale et vie professionnelle des femmes. Au détour d'un paragraphe elle rappelle les résultats d'une étude Eurostat de 2006 qui indiquait l'état du déséquilibre dans la répartition des tâches domestiques un peu partout en Europe.
D’importantes différences existent : entre la Suède, où [les femmes] effectuent environ 50 % de plus de tâches domestiques que les hommes et… l’Italie et l’Espagne où l’écart est de 200 % ! On pourrait penser que les hommes compensent ce faible temps domestique par un surinvestissement dans la sphère professionnelle. Mais c’est loin d’être le cas : si l’on prend en compte le temps contraint – c’est-à-dire le temps domestique et le temps professionnel – il n’y a que trois pays où ces temps sont équivalents entre hommes et femmes (Suède, Royaume-Uni et Pays-Bas). Autrement dit, même lorsque le travail à temps partiel ou les congés parentaux réduisent l’activité professionnelle des femmes, l’équilibre dans les temps sociaux ne se repère pas : les hommes gardent davantage de temps « libre », du temps pour eux-mêmes, quels que soient les modèles sociaux.
Mais pourquoi les femmes préfèrent-elles le ménage ?Mais oui, pourquoi ? 200% de tâches domestiques de plus que les hommes, c'est plus un fardeau, c'est un hobby...
Coïncidence du calendrier, le mois de novembre est la période de distribution des catalogues de jouets pour Noël dans nos boites aux lettres. Et là, tout s'éclaire. Pour mener à bien l'expérience, j'ai gardé deux catalogues, pour comparer : Carrefour et Casino. Et finalement les deux sont quasi-identiques. Dès le sommaire, chez l'un comme chez l'autre, on retrouve une différentiation sexuée des jouets. "Les filles" d'un côté, "les garçons" de l'autre, y en a 20 pages pour chacun. Une dominante de couleur froide, bleue la plupart du temps, pour les garçons. Une dominante de rose chez les filles. On ne coupe pas au stéréotype de couleur, pour savoir pourquoi le bleu, pourquoi le rose, allez faire un tour
du côté de chez Michel Pastoureau, il vous expliquera.
Et on tourne les pages. Pour les garçons : des voitures, des tractopelles, des grues, des trains, des hélicoptères et le quad de SpiderMan... Bref que des objets qui, dans la réalité, n'ont pas leur place à l'intérieur d'une maison. Chez les filles maintenant. Des poupées, des bébés à soigner, des petits animaux (rien à voir avec les dragons et les rhinocéros), des robes de princesses, des poussettes, des landaus, et finalement, la page qu'on préfère : les jouets Smoby. La caisse-enregistreuse, la cuisine, le chariot, le lave-vaisselle et la nouveauté de l'année... le clean service.
Avec le petit commentaire qui va bien : "Super, ton chariot pour faire le ménage dans toute la maison". Si on prête attention au reste de la page, on se rend compte qu'un petit garçon a fait son apparition. Bizarre, dans une rubrique réservée aux filles. Oui mais à bien y regarder il occupe une position bien particulière
Monsieur est médecin évidemment, pas hôtesse de caisse. Il semblerait que Smoby n'ait pas encore intégré que cela fait plus de 20 ans
qu'il y a plus de jeunes femmes que de jeunes hommes dans les filières médicales de nos universités.
Bref, toute la panoplie de la ménagère est disponible "dès trois ans" pour les petites filles. La socialisation des enfants passe par l’imitation et le jeu de rôle pour s'identifier aux rôles sexués que la société assigne aux individus. La répartition des tâches entre les adultes ne changeant qu'à la marge, les fabricants de jouets ne font que répondre à une demande sociale : fournir les outils de la reproduction des rôles sociaux. Et si on changeait les jouets pour changer la société. Il y a 40 ans, Ellena Gianini Belotti écrivait "Du côté des petites filles" pour expliquer l'influence des conditionnements sociaux sur la formation du rôle féminin et ce dès la petite enfance. Il faut croire que la société n'a pas beaucoup avancée depuis les années 1970.
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