Suis-je un profiteur du peuple ?
Il m'est arrivé une histoire assez surprenante hier en fin d'après midi, alors que je faisais mes courses dans une entreprise de grande distribution bien connue. J'arrive au rayon boulangerie, un peu pressé par ce que fin de la liste de courses, envie d'en découdre avec la file d'attente à a caisse, passer ma carte fidélité, payer et partir dans mon home sweet home. Un monsieur d'âge respectable se tient là, devant les boules tranchées aux graines de sésame, et moi qui ai le bras long, c'est bien connu, je souhaite atteindre les boules classiques, nettement plus apetissantes (et moins chères). Je demande "Pardon" au monsieur et profite de l'intervalle ainsi créé pour me glisser tel Dominici dans les lignes arrières anglaises. Mais là le probable jeune retraité se fige sur place.
Crime de lèse-majesté odieux de ma part, il considère que je lui ai piqué son espace vital. L'air de rien, mais de manière frontale, la discussion s'engage. Avec une formule détournée il me fait bien comprendre que je manque de "savoir-vivre avec les autres". Je pratique selon lui le "pousse-toi de là que je m'y mette" ! Il me regarde et me jauge, et affirme d'un ton péremptoire que "ce sont des pratiques de fonctionnaires" (allez savoir pourquoi), et me pose la question fatidique : "vous êtes fonctionnaire ?". Oui je le suis (enfin presque, je devrai signer mon procès-verbal d'installation dans mon nouveau poste d'ici une quinzaine de jours). "Vous êtes dans l'enseignement ?". Un peu bluffé sur le coup par la formidable accuité de mon interlocuteur, je ne trouve rien de mieux que de lui répondre sur un ton ironique : "vous auriez du faire sociologue !". Et lui de me répondre : "ah, c'est la pire espèce les enseignants, des profiteurs du peuple". L'échange se muscle, mais nous controlons respectivement nos pulsions, lui se dirige vers les légumes, moi vers les caisses. Fin de l'histoire.
Qu'est ce que ce petit dramelet contemporain peut bien nous apprendre ? Que la génération baby-boom est moins polie que ses enfants et petits-enfants ? Ca c'est pas nouveau... Que les fonctionnaires sont encore des pestiférés alors qu'ils n'ont plus vraiment de privilèges, ou qu'en tout cas ils n'en auront plus à très court terme. Ca aussi nous le savons. Non, on apprend plutôt qu'on peut être retraité et bien malin. Un français sur quatre exerce dans la fonction publique. SI les orientations politiques actuelles vont tendre à faire diminuer ce chiffre, le petit monsieur aigri avait quand même une grande probabilité de tomber juste. Oui mais il a deviné que j'étais "dans l'enseignement". Alors quoi ? Mon habitus de prof se voit déjà ? Est-ce mes lunettes rectangulaires ? Ma chemise à rayures ? Ou bien ma gabardine qui lui a rappelé les robes des ses instituteurs d'antan, ceux qui tapaient forts avec leurs règles carrés pour que l'algèbre rentre mieux dans les petites têtes blondes, ceux que Brighelli et consorts voudraient voir rescuciter. Plus sérieusement, un fonctionnaire sur deux exerce dans le ministère de l'Education Nationale. Voilà la probabilité de tomber de juste qui augmente. Et moi de tomber dans le panneau dressé par le vieil aigri. Avec une impression que cette manie de dresser une partie de la population contre l'autre propre à certains a fait des petits dans la tête de mes concitoyens.
Cette petite note servant d'éxutoire à ma colère d'hier au soir, je vous réserve quelques petits biscuits, plus intéressant, sur les fonctionnaires et les retraites, ou comment cet énergumène s'est permis d'insulter un membre d'une génération sacrifiée pour la sienne, qui paiera sa retraite et celle de sa femme jusqu'à presque 70 ans.
Crime de lèse-majesté odieux de ma part, il considère que je lui ai piqué son espace vital. L'air de rien, mais de manière frontale, la discussion s'engage. Avec une formule détournée il me fait bien comprendre que je manque de "savoir-vivre avec les autres". Je pratique selon lui le "pousse-toi de là que je m'y mette" ! Il me regarde et me jauge, et affirme d'un ton péremptoire que "ce sont des pratiques de fonctionnaires" (allez savoir pourquoi), et me pose la question fatidique : "vous êtes fonctionnaire ?". Oui je le suis (enfin presque, je devrai signer mon procès-verbal d'installation dans mon nouveau poste d'ici une quinzaine de jours). "Vous êtes dans l'enseignement ?". Un peu bluffé sur le coup par la formidable accuité de mon interlocuteur, je ne trouve rien de mieux que de lui répondre sur un ton ironique : "vous auriez du faire sociologue !". Et lui de me répondre : "ah, c'est la pire espèce les enseignants, des profiteurs du peuple". L'échange se muscle, mais nous controlons respectivement nos pulsions, lui se dirige vers les légumes, moi vers les caisses. Fin de l'histoire.
Qu'est ce que ce petit dramelet contemporain peut bien nous apprendre ? Que la génération baby-boom est moins polie que ses enfants et petits-enfants ? Ca c'est pas nouveau... Que les fonctionnaires sont encore des pestiférés alors qu'ils n'ont plus vraiment de privilèges, ou qu'en tout cas ils n'en auront plus à très court terme. Ca aussi nous le savons. Non, on apprend plutôt qu'on peut être retraité et bien malin. Un français sur quatre exerce dans la fonction publique. SI les orientations politiques actuelles vont tendre à faire diminuer ce chiffre, le petit monsieur aigri avait quand même une grande probabilité de tomber juste. Oui mais il a deviné que j'étais "dans l'enseignement". Alors quoi ? Mon habitus de prof se voit déjà ? Est-ce mes lunettes rectangulaires ? Ma chemise à rayures ? Ou bien ma gabardine qui lui a rappelé les robes des ses instituteurs d'antan, ceux qui tapaient forts avec leurs règles carrés pour que l'algèbre rentre mieux dans les petites têtes blondes, ceux que Brighelli et consorts voudraient voir rescuciter. Plus sérieusement, un fonctionnaire sur deux exerce dans le ministère de l'Education Nationale. Voilà la probabilité de tomber de juste qui augmente. Et moi de tomber dans le panneau dressé par le vieil aigri. Avec une impression que cette manie de dresser une partie de la population contre l'autre propre à certains a fait des petits dans la tête de mes concitoyens.
Cette petite note servant d'éxutoire à ma colère d'hier au soir, je vous réserve quelques petits biscuits, plus intéressant, sur les fonctionnaires et les retraites, ou comment cet énergumène s'est permis d'insulter un membre d'une génération sacrifiée pour la sienne, qui paiera sa retraite et celle de sa femme jusqu'à presque 70 ans.
Crédit photo : - senior citizen - par RoOobie sur Flickr
3 commentaires:
Ca me rappelle "Finding one's way in social space" de Luc Boltanski et Thévenot...
et par ailleurs, cet article et beaucoup d'autres sont disponibles gratuitement sur le site internet de Sage publications.
(B. Coulmont)
on a une tête de prof????
Il faut croire !!
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