Etats-nations et construction communautaire (1)
C'est le dernier billet publié sur Boîte noire, le très bon blog de François Briatte, qui m'a donné l'idée de rédiger une série de billets portant sur la construction communautaire.
Plus précisément, le billet sur Boîte noire mentionnait l'entretien avec un philosophe roumain publié sur le site de Notre Europe. Sur celui-ci, on rapportait un article de Thomas Ferenczi paru dans Le Monde daté du 2 juillet 2007, article intitulé La résistance des Etats-Nations (qui n'est plus disponible que pour les abonnés). C'est la joie de l'hypertexte, et de la divagation de site en site, on est toujours amené à en lire plus. Dans cet article le chroniqueur Europe du Monde écrit :
La volonté de l'Europe d'intervenir davantage sur la scène internationale renforce aussi le rôle des diplomaties nationales. Les innovations du futur Traité vont apparemment dans le même sens. En se donnant un président élu pour deux ans et demi, renouvelable une fois, et un ministre des affaires étrangères de plein exercice, l'Union va donner plus de poids aux Etats, en dépit des précautions prises pour ne pas amoindrir la Commission. Le nouveau système de vote avantagera les plus peuplés d'entre eux. Les décisions refléteront les rapports de forces entre les Vingt-Sept. Comme le répète José Manuel Barroso, président de la Commission, les institutions européennes doivent être au service des Etats. Le monopole de la légitimité politique des Etats-nations, auquel l'Union prétendait mettre fin, n'est pas mort.Cela m'a rappelé un texte que j'avais écrit il y a quelques mois, autour de la question des effets de la construction communautaire, et du devenir de l'Etat en Europe (certains lecteurs verront peut-être dans quelle circonstance j'ai été amené à réfléchir sur la question). Je vous livre ici quelques réflexions, en plusieurs épisodes ! Bonne lecture...
L'Europe, pour construire la paix entre les États
Au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, il était urgent d'imaginer des formes de coopération internationale même de préserver la paix entre les pays qui s'étaient affrontés. Le niveau de destruction des infrastructures était tel que les productions nationales étaient redescendues au niveau qu'elles occupaient plusieurs décennies auparavant. Si la constitution de l'Europe de la Défense fut un échec, la création de la CECA a permis de sceller des accords industriels et commerciaux entre l'Allemagne et la France quant à la production de charbon et d'acier. Il y a 50 ans, les principaux belligérants du second conflit international du XXème siècle se sont accordés sur un traité, provoquant ainsi la naissance de la communauté européenne. C'est donc en 1957 que le Traité de Rome a été ratifié par l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.
Aujourd'hui les enjeux sont différents. Le pari de la paix est réussi. Il est inconcevable, en particulier pour les jeunes générations, qu'un conflit militaire opposant les membres de l'Union européenne puisse éclater, même dans un avenir lointain. L'économie, qui constituait un moyen de parvenir à la pacification des relations entre anciens ennemis, est devenu un enjeu en soi de la construction européenne. Dans un contexte de globalisation des échanges, d'ouverture des économies, les Etats européens sont contraints de se regrouper pour pouvoir prétendre lutter face à la concurrence économique, industrielle, commerciale, des Etats-Unis d'Amérique, ou des géants démographiques que sont l'Inde et la Chine. Cette mondialisation a entraîné la création de cadres supranationaux plus ou moins institutionnalisés. Les Etats semblent donc dépassés par la plupart des enjeux contemporains, dépassés au sens premier du terme.
Où en sont les Etats ?
Qu'en est il réellement ? La construction communautaire est-elle en train de reléguer les États au second plan ? Nous verrons dans de futurs notes que la construction européenne, en tant que réponse institutionnelle aux exigences des transformations contemporaines, peut sembler contribuer à l'amoindrissement du rôle de l'Etat en Europe. Mais nous observerons également combien l'Etat, de par les compétences qu'il conserve et les résistances qu'il oppose, cherche à préserver son devenir.
L'Etat contemporain est attaqué "par le bas" et "par le haut". Il est attaqué par le bas lorsque des particularismes et des régionalismes mettent à mal l'idée d'Etat-nation qui, comment France, veut que chaque individu délaisse ses particularités dans la sphère privée pour se sentir citoyen avant tout. Mais, et c'est ce qui nous préoccupe plus particulièrement ici, l'Etat est également attaqué par le haut. Nous ne pouvons soustraire, dans notre analyse, la construction communautaire du contexte dans lequel elle intervient : l'ouverture internationale.
Sur le plan économique, le nombre de firmes multinationales ou transnationales a explosé, tout comme les échanges de biens et services entre pays. D'un point de vue culturel, la démocratisation du transport sur longue distance permet la migration ponctuelle ou durable des populations. Si sur le plan politique le clivage Est-Ouest a disparu, les disparités économiques entre pays du Sud et du Nord se sont accentuées avec la crise de la dette, provoquant des migrations du Sud vers le Nord dont l'ampleur dépasse largement le cadre des Etats. Les relations stato-centrées ont laissé la place au multilatéralisme qu'ils s'agissent des discussions dans le cadre de l'OMC, du G8 ou de l'ONU, comme des nombreuses organisations intergouvernementales qui gravitent autour des grandes institutions internationales.
(à suivre...)
2 commentaires:
En fait le lien vers le post fonctionne toujours, en réalité j'ai juste coupé la page principale (par flemme).
Billet très intéressant, qui s'insère bien dans la petite somme de textes publiés par la blogosphère sur la construction du sentiment européen.
Merci pour le lien, j'ai pu mettre à jour l'intro de la note !
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