Qui sont les idéologues ?
Depuis quelques jours on peut lire, écouter, voir dans les media une critique de la discipline Sciences économiques et sociales dans l'enseignement secondaire français : elle véhiculerait une idéologie néfaste pour notre jeunesse, par le biais d'enseignants peu scrupuleux et des manuels scolaires à l'objectivité relative. Mais de quel côté se situe réellement l'idéologie ?
A la Une du Figaro du 15 janvier on pouvait lire ce gros titre "Les manuels scolaires en accusation". A l'intérieur du quotidien, une pleine page était consacrée à ce dossier, clouant au pilori les manuels d'économie. Les critiques sont vives : les manuels sont un désastre, la formation des enseignants laisse à désirer, et les patrons d'entreprises devraient intervenir plus souvent, dans les classes auprès des élèves, voire dans la conception même des programmes scolaires.
Comme souvent, l'enseignement de Sciences économiques et sociales se trouve réduit à la seule discipline économique, minimisant ainsi sa dimension sociale. Pourtant c'est bien cela qui fait la richesse de cet enseignement : le croisement des regards scientifiques qu'ils viennent de l'économie, de la sociologie et de la science politique, pour expliquer des faits économiques et sociaux toujours plus complexes, pour permettre aux lycéens de s'ouvrir au monde qui les entoure, pour comprendre les enjeux qu'ils soient locaux, nationaux ou à l'échelle planétaire.
Des critiques qui font le plus souvent preuve d'une réelle méconnaissance des programmes.
Ainsi Michel Pébereau, Président du Conseil de surveillance de BNP Paribas, Président de l'Institut de l'entreprise et membre du Medef, interviewé dans les colonnes du Figaro critique les programmes et les manuels parce qu'ils ne donneraient pas "à la production et à l'échange, à l'entreprise et au marché la place centrale qui devrait être la leur". C'est bien mal connaître l'enseignement de Sciences économiques et sociales. La production (et donc les entreprises) constitue un pan entier de l'enseignement dispensé en Seconde. Les entreprises et les autres agents économiques sont à nouveau abordés longuement, dès le début de l'année de Première, dans un chapitre consacré au circuit économique, suivi par un chapitre sur la mesure de la production et des échanges. Ces items constituent la base du cycle terminal (classes de Première et Terminale) qui conduit les élèves vers l'épreuve du baccalauréat. Le marché occupe également une place importante au coeur de l'année de Première. Dans cette partie sont présentés les principes de la concurrence parfaite et du contrôle des abus de position dominante, mais également les stratégies mises en oeuvre par les entreprises pour améliorer leur compétitivité. Ces notions sont approfondies en Terminale, qu'il s'agisse du marché, des entreprises, de leur contribution à la croissance, de l'innovation, de la compétitivité, du rendement, du coût du travail... Toutes ces notions sont explicitement définies comme devant être parfaitement maitrisées par un élève se présentant au Baccalauréat dans la série ES.
Ce qui semble déplaire, c'est que des nuances sont apportées afin de garantir une présentation pluraliste des théories économiques et sociales. Le marché a des limites, il peut s'avérer défaillant dans la production de certains biens pourtant nécessaires à la collectivité, et des règles juridiques sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du marché. De la même manière, les avantages de l'intervention des pouvoirs publics sont abordés, puis nuancés pour permettre d'étudier les contraintes qui pèsent sur cette intervention, et les limites de celle-ci en terme d'efficacité.
Pour conclure, je rappelerais les propos tenus par M. Pébereau le 23 février 2006 à la CCI de Paris (le texte intégral est disponible ici) :
"Il serait peut-être bon d'effectuer un travail pédagogique de fond sur nos lycéens, comme cela a été fait par les entreprises depuis 20 ans auprès de leurs salariés, afin de les sensibiliser aux contraintes du libéralisme et à améliorer leur compétitivité, en adhérant au projet de leur entreprise."
Propos sans nuance, édifiant même, que l'on pourrait interpréter comme l'expression d'une volonté que l'Education nationale devienne le lieu de l'embrigadement de la jeunesse au service de l'idéologie libérale. A cela il est plus qu'impératif que l'enseignement dont il est question conserve le pluralisme qui le caractérise, et ce afin de poursuivre sa finalité : conduire les élèves à la connaissance et à l'intelligence des économies et des sociétés contemporaines, concourir à la formation du citoyen, capable d'exercer son esprit critique. Les Sciences économiques et sociales n'ont pas pour finalité de faire l'apologie de quelque doctrine économique ni de quelque idéologie que ce soit.
A la Une du Figaro du 15 janvier on pouvait lire ce gros titre "Les manuels scolaires en accusation". A l'intérieur du quotidien, une pleine page était consacrée à ce dossier, clouant au pilori les manuels d'économie. Les critiques sont vives : les manuels sont un désastre, la formation des enseignants laisse à désirer, et les patrons d'entreprises devraient intervenir plus souvent, dans les classes auprès des élèves, voire dans la conception même des programmes scolaires.
Comme souvent, l'enseignement de Sciences économiques et sociales se trouve réduit à la seule discipline économique, minimisant ainsi sa dimension sociale. Pourtant c'est bien cela qui fait la richesse de cet enseignement : le croisement des regards scientifiques qu'ils viennent de l'économie, de la sociologie et de la science politique, pour expliquer des faits économiques et sociaux toujours plus complexes, pour permettre aux lycéens de s'ouvrir au monde qui les entoure, pour comprendre les enjeux qu'ils soient locaux, nationaux ou à l'échelle planétaire.
Des critiques qui font le plus souvent preuve d'une réelle méconnaissance des programmes.
Ainsi Michel Pébereau, Président du Conseil de surveillance de BNP Paribas, Président de l'Institut de l'entreprise et membre du Medef, interviewé dans les colonnes du Figaro critique les programmes et les manuels parce qu'ils ne donneraient pas "à la production et à l'échange, à l'entreprise et au marché la place centrale qui devrait être la leur". C'est bien mal connaître l'enseignement de Sciences économiques et sociales. La production (et donc les entreprises) constitue un pan entier de l'enseignement dispensé en Seconde. Les entreprises et les autres agents économiques sont à nouveau abordés longuement, dès le début de l'année de Première, dans un chapitre consacré au circuit économique, suivi par un chapitre sur la mesure de la production et des échanges. Ces items constituent la base du cycle terminal (classes de Première et Terminale) qui conduit les élèves vers l'épreuve du baccalauréat. Le marché occupe également une place importante au coeur de l'année de Première. Dans cette partie sont présentés les principes de la concurrence parfaite et du contrôle des abus de position dominante, mais également les stratégies mises en oeuvre par les entreprises pour améliorer leur compétitivité. Ces notions sont approfondies en Terminale, qu'il s'agisse du marché, des entreprises, de leur contribution à la croissance, de l'innovation, de la compétitivité, du rendement, du coût du travail... Toutes ces notions sont explicitement définies comme devant être parfaitement maitrisées par un élève se présentant au Baccalauréat dans la série ES.
Ce qui semble déplaire, c'est que des nuances sont apportées afin de garantir une présentation pluraliste des théories économiques et sociales. Le marché a des limites, il peut s'avérer défaillant dans la production de certains biens pourtant nécessaires à la collectivité, et des règles juridiques sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du marché. De la même manière, les avantages de l'intervention des pouvoirs publics sont abordés, puis nuancés pour permettre d'étudier les contraintes qui pèsent sur cette intervention, et les limites de celle-ci en terme d'efficacité.
Pour conclure, je rappelerais les propos tenus par M. Pébereau le 23 février 2006 à la CCI de Paris (le texte intégral est disponible ici) :
"Il serait peut-être bon d'effectuer un travail pédagogique de fond sur nos lycéens, comme cela a été fait par les entreprises depuis 20 ans auprès de leurs salariés, afin de les sensibiliser aux contraintes du libéralisme et à améliorer leur compétitivité, en adhérant au projet de leur entreprise."
Propos sans nuance, édifiant même, que l'on pourrait interpréter comme l'expression d'une volonté que l'Education nationale devienne le lieu de l'embrigadement de la jeunesse au service de l'idéologie libérale. A cela il est plus qu'impératif que l'enseignement dont il est question conserve le pluralisme qui le caractérise, et ce afin de poursuivre sa finalité : conduire les élèves à la connaissance et à l'intelligence des économies et des sociétés contemporaines, concourir à la formation du citoyen, capable d'exercer son esprit critique. Les Sciences économiques et sociales n'ont pas pour finalité de faire l'apologie de quelque doctrine économique ni de quelque idéologie que ce soit.
8 commentaires:
Rhaaaa mais j'ai passé mon après-midi à écrire la même chose que vous ! Comme quoi le fonctionnement décentralisé de la blogosphère est sous-optimal, je ne dis pas ça pour donner une mauvaise image de la blogosphère mais tout de même. Je posterai quand même mes arguments ce soir. Bravo en tout cas et bon courage à tous les profs de SES injustement calomniés.
J'enseigne depuis 6 ans et j'ai l'impression d'être une ancien combattant ;)
Toutes ces attaques sont uniquement idéologiques et pas du tout scientifiques.
Il me semble qu'un type d'arguements est à éviter : démontrer que nous disons des choses positives sur les entreprises. L'économie et la sociologie sont des disciplines scientifiques et à ce titre n'ont rien à dire de positif ou de négatif, mais simplement ce qui "est".
Là où nos détracteurs me font rire c'est lorsqu'ils s'inquiètent du trop peu de microéconomie de nos programme...comme si la microéconomie ne démontrait rien qui ne leur soit déplaisant.
Add : l'attaque contre les manuels avait déjà commencé l'an passé dans un n° de Valeurs Actuels dont les éditos sont signés Olivier...Dassault! (L'article s'intitulait "l'économie pour les nuls" - il me semble)
Pébereau et Olivier Dassault... tiens, tiens, deux sympathiques pensionnaires de la mare aux canards !
M. de l'Ariège, assez d'accord avec vous pour dire que (i) les manuels doivent être scientifiques et donc neutres avant toute chose, mais quand même que (ii) comme derrière toutes ces attaques il y a juste un fantasme sur le contenu des manuels, il peut être une bonne stratégie de montrer que ce discours neutre et objectif n'est justement pas forcément négatif du point de vue des critiques eux-mêmes.
Sur un autre sujet, Pierre (vous m'appelez Emmeline, alors je me permets, n'est-ce pas ?:D), merci de m'avoir fait découvrir le blog de Denis Colombi. Et le ratio P/E c'est simplement le prix d'une action divisé par le bénéfice par action de l'entreprise en question (mais vous achèterez quand même notre numéro 3, hein ?).
@J-E, désolé pour l'herbe coupé sous le pied, mais en même temps Denis d'Une heure de peine m'avait fait le même coup ! La blogosphère est sous-optimale, je suis bien d'accord. A moins que le nombre de billets différents sur la même thématique renforce la portée de notre message !
@L'Ariegeois, je suis bien d'accord. Je ne cherchais pas à dire "on dit du bien mais aussi du mal", mais vraiment "on croise les disciplines scientifiques pour améliorer la perception des objets que sont les entreprises, le marché, etc".
@Emmeline, je vais m'abonner à RCE comme promis, mais mon compte PayPal est en rade. Il va falloir que j'utilise un autre moyen de paiement pour transférer de la monnaie scripturale depuis mon compte vers le votre (déformation professionnelle, je suis plongé dans mon cours sur la monnaie). Par ailleurs je me rends compte que j'ai trop attendu, il n'y a plus de numero 1 disponible à la vente apparement. Et ça me rend triste !
Bon ben, merci à Pierre de faire ma pub !
Plus il y aura de billets sur ce thème, mieux se sera. Si ça ne renforce pas le message, ça le diffusera mieux.
Par ailleurs, est-ce que quelqu'un parmi les économistes pourrait faire une note montrant que la micro-économie ne débouche pas sur une apologie de l'entreprise comme semblent le penser nos critiques ? J'ai bêtement choisi de consacrer mon blog à la socio...
Denis, je vais faire un commentaire dessus sur le blog RCE (je n'ai pas voulu parasiter la note déjà bien fournie de JE). Long, trrrès long. Mais pas avant ce soir, donc si quelqu'un veut me griller la politesse...
une promenade dans des posts vieillots dont les perles continueront à briller longtemps
en voici une :
"Dans cette partie sont présentés les principes de la concurrence parfaite"
ces principes sont tels que lorqu'ils sont respectés il ne peut y avoir de concurrence
On est à la fin de l'histoire
étonnons nous après cela que l'on estime que les économistes éducateurs nationaux ne connaissent pas l'économie quand ils enseignent de telles choses
@courageux Anonyme
J'avoue ne pas bien saisir le sens de votre propos... Pouvez vous préciser ?
En gros présenter les hypothèses de la CPP fait de nous de mauvais enseignants ??
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