mardi 22 janvier 2008

Le cumul des inégalités

Les inégalités monétaires sont les plus visibles et en conséquences les plus dénoncées. Les inégalités de revenus d'un côté (j'en ai parlé récemment dans une note sur les basketteurs américains) et celles de patrimoine de l'autre, encore plus importantes. Car non seulement le patrimoine est alimenté par la part des revenus qui est épargnée (part qui augmente avec le revenu, cf la loi psychologique fondamentale de Keynes), mais ce patrimoine génère lui-même des revenus. Si le revenu est un flux, le patrimoine est un stock, qui s'accumule au fil du temps. Plus le patrimoine est important, et plus il génère des revenus. L’écart se creuse donc entre ceux qui ont du patrimoine et ceux qui n’en ont pas, et les inégalités se cumulent.

En France, en 2004, un ménage de cadre disposait selon l’INSEE de revenus 2.2 fois supérieurs à un ménage d’employés après impôts. Mais en terme de patrimoine, il en détient 7.3 fois plus. De même, les 10% de ménages qui gagnent le plus reçoivent 25% des revenus distribués, mais possèdent 46% du patrimoine des ménages (ces derniers chiffres sont à prendre avec précaution tant il est difficle en France d'avoir des données fiables sur ce sujet : pour en savoir plus www.inegalites.fr). Enfin un patrimoine peut se transmettre de génération en génération, par la donation ou l’héritage, ce qui renforcent l’inégalité des chances (on ne choisit pas ses parents).

Les inégalités non monétaires.
Mais il existe également des inégalités qui n'ont pas grand chose à voir avec le revenu ou le patrimoine, du moins pas directement, et qui sont autrement plus injustes. Le dernier numéro de Population & Sociétés, publication de l'INED, est consacré à l'espérance de vie en bonne santé. Nos actuels dirigeants politiques répètent à l'envi que la progression de l'espérance de vie (Un an tous les quatre ans) conduit inéxorablement à l'allongement de la durée du travail. Est-ce si inéxorable ? Et est-on sûr que les années de vie gagnées sont des années en bonne santé ? Telle est la question que posent les auteurs de l'étude.

Il ressort de cette étude que les ouvriers non seulement disposent d'une espérance de vie plus courte que la moyenne, mais également d'une espérance de vie en bonne santé considérablement raccourcie par rapport aux autres catégories socio-professionnelles. A 35 ans, les ouvriers peuvent espérer vivre en moyenne encore 41 ans, contre 47 pour les cadres. Mais ces derniers vivent 34 de ces 47 années sans incapacités, alors que les ouvriers n'en disposent que de 24 (soit 59 ans, 1 an avant l'âge légal de liquidation des droits à la retraite à taux plein). Pour compléter le tableau, à mesure que les individus avancent en age, les différences s'accroissent : après 60 ans, les ouvriers (de deux sexes) vivront plus d'années avec des incapacités que sans, et avec des incapacités plus sévères que les cadres.

Sources : Emmanuelle Cambois, Caroline Laborde, Jean-Marie Robine, La "double peine" des ouvriers : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte, Population et sociétés n°441, Janvier 2008.

Crédit photos : Construction Worker Houston Texas 1 par BillJacobus

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