mardi 10 juillet 2007

Quel futur pour les Petits-Beurres ?

J'habitais plus près de la BN que de l'usine LU. Par vent d'ouest, ce sont les Chocos plus que les Pailles d'or que je pouvais sentir, en allant à la piscine (la BN est derrière la piscine de Saint-Sébastien-sur-Loire). Pourtant je suis passé souvent devant l'usine LU (la récente à la Haye-Fouassière, comme l'ancienne le long du canal Saint-Félix). Je me revois, casser les coins des Petits-Beurres, pour mieux les tremper dans mon gobelet, chez ma mamie. On a tous des souvenirs d'enfance. Et pour moi, les Petits-Beurres y occupent une place des plus importantes. Ah... l'industrie agro-alimentaire. La Biscuiterie Nantaise c'est maintenant United Biscuits, et dans quelques jours Lefèvre-Utile sera américain, il rejoindra Toblerone, Côte d'Or et autre Suchard dans l'escarcelle de Kraft Foods.

Fusion, acquisition, extension...
"Le planté du baton, Monsieur Dus, tout est dans le planté du baton : flexion, planté du baton, extension". Plus sérieusement, qu'est ce qui pousse une entreprise à acquérir une autre ? Quels sont les résultats escomptés ? Quels sont les résultats réels, dans la majeure partie de cas ? Voici un petit billet pour tenter de comprendre quelque chose à la concentration.

Ici, la logique de Kraft Foods est claire : en rachetant la branche biscuit de Danone, l'entreprise américaine compte augmenter son pouvoir de marché, afin de sortir de sa place d'éternel numéro deux, et pouvoir concurrencer le géant Suisse, Nestlé. Elle avait déjà commencé l'année dernière en reprenant 25% de United Biscuits au travers de sa branche Europe du Sud. La concurrence est de plus en plus rude, car le gateau que se partagent ces géants industriels risque de se réduire de manière continue : la chasse à la mal bouffe est ouverte, les distributeurs de cochonneries en tout genre sont progressivement retirés, taxés, la publicité comporte enfin des messages du genre "manger gras tue", mais en moins trash. En clair, le marché du bio est porteur, quand celui des lipides est condamné.

Le but ultime : devenir numéro un.
Nous sommes donc là en face d'un cas de concentration financière horizontale. Le problème, c'est qu'à force de racheter ses concurrents directs, on tue de fait la concurrence, la concentration devient alors synonyme d'oligopole, voire de monopole dans certains cas. Quels sont les avantages des fusions-acquisitions, en dehors de l'accroissement du pouvoir de marché ? On peut sommairement en dénombrer trois :
  1. Cela permet d'optimiser le rapport entre coût de transaction et coût d'organisation. En clair, il peut être plus économique d'intégrer une activité au sein d'une firme que de recourir sans cesse au marché.
  2. On peut ainsi dégager des économies d'échelle et des économies d'envergure.
  3. Pour les actionnaires, la menace du rachat permet de motiver les managers puisque ceux-ci risquent leurs places. Les fusions-acquisitions sont donc un outil pour contrôler les dirigeants de grandes entreprises.
Ces trois arguments n'illustrent pas vraiment la situation commentée ici. Kraft Foods ne va pas intégrer des coûts en achetant LU à Danone. Il n'est pas évident que des économies d'échelle soient réalisés, peut-être plus des économies d'envergure, et encore... Enfin, les dirigeants de LU n'y sont pas pour grand chose si la maison mère Danone souhaite réorienter sa stratégie de long terme. Il s'agit donc purement et simplement de récupérer des parts de marché, et de continuer son implantation en Europe pour le géant américain.

Quelles conséquences pour les firmes ?
Elles sont souvent ambiguës. La firme gagnante n'est pas toujours celle que l'on croit. Ici, celle qui perd directement, c'est Danone : moins de parts de marché, elle perd une entreprise rentable. Mais les quelques 5.3 milliards d'euros dégagés par l'opération ne seront pas de trop pour racheter le néerlandais Numico. Et même si en règle générale les fusions acquisitions se traduisent bien en hausse de rentabilité, et donc à l'avantage de l'acheteur, celui-ci a tendance à surévaluer l'entreprise achetée. C'est tout bénef pour les actionnaires de cette dernière. Seul l'avenir nous dira si la biscuiterie LU valait bien ces 5.3 milliards. En tout cas, dans le coeur des Nantais, elle n'a pas de prix !

Après quelques jours de vacances, nous reviendrons sur les conséquences sociales des fusions-acquisitions. Si Kraft assure ne pas vouloir "dégraisser" les effectifs de LU en France, rien n'est moins sûr quant aux belges, espagnols, italiens, polonais ou russes, qui s'inquiètent pour leur sort.

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