lundi 2 juillet 2007

Le bac, révélateur d'inégalités sociales

Dernier examen de l'enseignement scolaire et premier diplôme de l'enseignement supérieur, le baccalauréat conserve une charge symbolique des plus importantes. Je ne vais pas revenir, en tout cas pas maintenant, sur la querelle du niveau des candidats : monte-t-il ? baisse-t-il ? On verra cela plus tard. Alors que les résultats vont tomber dans quelques heures, et que certains cherchent à l'exploiter commercialement (lire ici ou ), je souhaite m'arrêter quelques instants sur les inégalités sociales qui se font jour lorsque l'on observe de plus près qui sont les bacheliers. Mais avant d'aller plus loin, il convient de rappeler que les statistiques n'enferment pas les individus. Il s'agit d'outils quantitatifs très précieux qui permettent de dégager des tendances, des permanences ou des évolutions, mais les statistiques ne peuvent - et ne doivent - servir à prouver un quelconque déterminisme individuel. Ce n'est pas parce que vous êtes fils d'ouvrier que vous ne décrocherez jamais le bac scientifique.

Être à l'heure au bac
Un élève est "à l'heure" au bac lorsqu'il passe l'examen à 18 ans pour les séries générales et technologiques, 19 pour les séries professionnelles. Or si l'âge moyen d'obtention du bac pour les séries générales est proche de l'âge "théorique" avec 18 ans et 6 mois, les élèves des séries technologiques et professionnelles accusent un certain retard (avec comme moyenne d'âge au bac respectivement 19 ans+5 mois et 21 ans+5 mois). L'âge des élèves à la fin du collège apparaît comme étant le discriminant essentiel de leur orientation puisque les taux de passage en 1ère puis Terminale sont relativement voisins dans les trois filières. Jusqu'au début des années 2000, les taux de réussite au bac étaient également très proches, mais cela est moins vrai maintenant : alors qu'1 point séparait les bacs généraux des bacs pros en 2000 (entre 78 et 79% de réussite), en 2005 ce sont près de 10 points qui les séparent (84.1% et 74.7%).

Pourquoi s'être attardé sur l'âge moyen au bac ? Parce que la corrélation entre cet indicateur et les origines sociales des élèves est très forte. Entre les séries d'abord : alors que les bacheliers généraux sont 55% a être issus de CSP favorisées (cadres, professions intellectuelles, professions intermédiaires), ils ne sont plus que 27% parmi les bacs pros. Au sein des mêmes séries, les retards scolaires sont d'autant plus importants que les bacheliers sont issus des catégories sociales les moins favorisées, c'est à dire les ouvriers et les inactifs. Inversement, les élèves issus des catégories les plus favorisées sont sur-représentés parmi les bacheliers à l'heure.

Quelle évolution depuis le début des années 2000 ?
Le nombre de bacheliers professionnels à l'heure au bac progresse. De 18.1% en 2000, on est passé à 23.9% en 2005, soit une différence de 5.8 points. Mais dans le même temps le nombre de bacheliers généraux à l'heure a progressé encore plus vite, pour passer de 64.5% à 70.5%, soit une progression de 6 points. Du côté des permanences, la répartition des bacheliers varie peu depuis la fin de la décennie 90. Si les bacheliers professionnels représentent un peu moins d'un bachelier sur 5 (18%), les bacheliers généraux sont toujours majoritaires (54%). La comparaison de deux suivis de cohorte (entrées en 6ème en 1989 et 1995) montre que la part d'enfants d'ouvriers qui accèdent au second cycle général et technologique reste stable (42%), et que l'écart avec les enfants de cadre et d'enseignant ne s'est pas réduit (49 points !).

Les performances scolaires sont largement prises en compte dans le processus d'orientation, mais la connaissance de ce processus est tout aussi importante : à notes comparables, les enfants d’ouvriers et ceux d’employés formulent des voeux d’orientation moins ambitieux que ceux de cadres. Ainsi, une étude récente sur la procédure d’orientation montre qu’avec une note moyenne au contrôle continu située entre 10 et 12/20, 94% des enfants de cadres et d’enseignants demandent une orientation en seconde générale et technologique contre seulement 77% des enfants d’employés et 65% de ceux d’ouvriers.

Sources :
D. Bloch, D. Chamonard, C. Hoquaux, "Les parcours scolaires et l'âge des bacheliers", Éducation & formations, n°60, Ministère de l'éducation nationale - DEP, septembre 2001.

J.-P. Caille, "Le vécu des processus d’orientation en fin de troisième et de seconde", Éducation & formations, n°72, Ministère de l'éducation natinale - DEP, septembre 2005.

C. Coudrin, "Devenir des élèves neuf ans après leur entrée en sixième", Notes d'information, n°06.11, Ministère de l'éducation nationale - DEP, avril 2006.

D. Perelmuter, "Résultats définitifs de la session 2005 du baccalauréat", Notes d'information, n°06.16, Ministère de l'éducation nationale - DEP, mai 2006.


3 commentaires:

AFIK a dit…

Bravo pour cet article ! Si on considère que le bac est le point de départ en matière d'insertion professionnelle et connaissant l'importance du point de départ en matière de trajectoire (ce que mes amis économistes appellent effets d'hystérèse il me semble), on comprend bien pourquoi l'écart à par la suite tendance à se creuser...
L'éducation nationale a du pain sur la planche !

Unknown a dit…

RMS... comme les Règles de la Méthode Sociologique ??

Anonyme a dit…

Venant d'un collège où il y avait une mixité sociale assez bonne, c'est évident que les racailles sont en échec scolaire et qu'il partent en BEP (ou au chômage pour les pires). Et au lycée où tout le monde ou presque est allé, exit la mixité sociale!
Peut-être que je prends mon point de vue comme une généralité, mais le problème de certaines stats est qu'elles sont censées prouver quelque chose qui est évident, qui se voit. Mais bon.... peut-être que tout le monde ne le voit pas, et puis il faut voir ceux qui ne croient que les chiffres. En fait, recouper les chiffres avec un ressenti est encore la meilleure façon de faire.