Encore à propos des SES
Dans le Nouvel Obs de ce matin on peut trouver une double-interview de Jean-Pierre Boisivon, ancien délégué général de l'Institut De l'Entreprise, et Bernard Maris, économiste bien connu des auditeurs matinaux de France Inter et bloggueur à ses heures. Le thème du débat : l'enseignement de l'économie au lycée. Ça va devenir un marronnier. On peut le dire tout de suite, les deux hommes ne partagent pas la même vision de l'économie. Même si l'interview est trop courte à mon goût, je la trouve d'assez bonne facture, et plutôt intéressante. Pas dans le style dialogue de sourds comme on peut parfois en lire. Il n'en reste pas moins que, comme à chaque intervention à propos des SES, il y a des erreurs et comme bien souvent ce sont des erreurs par rapport aux programmes scolaires.
Avant de parler programme, parlons intitulé. Comme d'habitude la filière ES est réduite dans le titre à sa dimension économique. On passe le "S" de ES à la trappe, même si dans le reste de l'article on évoque à plusieurs reprises le fait que c'est un enseignement de science économique et de science sociale. D'ailleurs il faut mettre au crédit de Jean-Pierre Boisivon le fait qu'il rappelle sans détours que l'enseignement en lycée général "n'a pas de finalité professionnelle. Il a pour but d'assurer la culture générale et la formation intellectuelle à travers les différentes matières, dont l'économie et les sciences sociales".
Il faut également souligner cette prise de position rare chez les adhérents de l'IDE : Boisivon affirme dès le début de l'interview que "l'enseignement de l'économie n'a pas pour mission de produire les bons petits soldats de l'économie capitaliste, ni d'inoculer une méfiance systématique à son égard". Je pense, ou tout du moins j'espère, que cette position est partagée par l'ensemble des professeurs de Sciences économiques et sociales. On est loin des propos que peut tenir l'actuel Président de l'IDE, Michel Pébereau, qui rappelait il n'y a pas si longtemps "qu'il serait bon d'effectuer un travail pédagogique de fond sur nos lycéens, comme cela a été fait par les entreprises depuis 20 ans auprès de leurs salariés, afin de les sensibiliser aux contraintes du libéralisme et à améliorer leur compétitivité, en adhérant au projet de leur entreprise". Je suis peut-être un grand naïf, mais J.-P. Boisivon ne semble pas être un tenant de l'économie bisounours, on ne peut que l'en féliciter.
C'est par la suite que les choses se gâtent un peu. L'ancien délégué général de l'IDE affirme que "le programme n'a pas pris en compte des évolutions contemporaines très importantes". Je veux bien accepter la critique, mais les exemples qu'il prend me semble particulièrement mauvais. En effet, il s'attarde à expliquer que la mondialisation est trop absente des programmes officiels, que la notion de valeur ajoutée ne fait pas partie de la culture générale des jeunes, et que les fondements du fonctionnement de l'entreprise ne sont pas abordés.
On se doit de s'inscrire en faux pour chacun de ces exemples. La mondialisation est un des trois thèmes du programme de Terminale, c'est-à-dire celui qui sert de base aux épreuves du baccalauréat en SES. Un tiers de l'année est consacrée aux enjeux de l'ouverture internationale, depuis les stratégies des firmes transnationales (avec les notions de compétitivité, d'investissement direct à l'étranger, etc.) jusqu'aux nouveaux cadres de l'action publique avec l'intégration européenne, en passant par la mondialisation culturelle, l'étude des grands organismes internationaux (FMI, BM, OMC), la division internationale du travail, le débat protectionnisme-libre échange, etc... Et pour les élèves qui choisiraient l'option de SES en Terminale en plus de leur enseignement de tronc commun, ils bénéficient d'un enseignement portant sur l'œuvre de David Ricardo et son actualité en matière de commerce international.
En ce qui concerne la notion de valeur ajoutée, il faut savoir que c'est LA SEULE NOTION qui est présente dans tous les programmes de l'enseignement de SES, depuis la seconde jusqu'à la terminale ! Elle suit les élèves depuis l'initiation en classe de seconde jusqu'au baccalauréat. Donc je veux bien croire "qu'un jeune sur dix ne sait pas ce qu'est la valeur ajoutée", mais la solution ne consiste pas dans la révision des programmes de Sciences Economiques et Sociales, mais bel et bien dans la diffusion de cet enseignement dans toutes les filières du lycée général !
Enfin J.P. Boisivon suppose l'absence d'explications sur le fonctionnement de l'entreprise. Certes nous ne rentrons pas dans des détails techniques de microéconomie, mais la question est tout de même largement balayée encore une fois de la seconde à la terminale. Et plus particulièrement en classe de Première où nous abordons les notions de coûts (marginaux, moyens, fixes, variables), le profit, la productivité, les économies d'échelle, la concentration, la coopération, les barrières à l'entrée et à la sortie, la différenciation des produits, l'innovation, les incertitudes, le contrôle de la concurrence, la loi de l'offre et de la demande, la concurrence imparfaite, un peu d'économie de l'information, etc... La liste est longue.
Finalement, la question à se poser n'est peut-être pas celle des programmes (quoi ajouter, quoi enlever) qui même s'ils ne seront jamais parfaits, semblent plutôt bien adaptés à l'actualité économique et sociale. C'est plutôt la question des jeunes à qui l'on dispense cet enseignement de Sciences économiques et sociales qu'il faut se poser ; certains diront que je suis juge et partie, que je prêche pour ma chapelle, mais à mes yeux il est urgent de permettre au plus grand nombre de bénéficier de cet enseignement, tant il est apprécié par ceux qui le suivent, et nécessaire s'il on veut faire des actuels lycéens des futurs citoyens informés, autonomes et aptes à prendre les bonnes décisions.
Avant de parler programme, parlons intitulé. Comme d'habitude la filière ES est réduite dans le titre à sa dimension économique. On passe le "S" de ES à la trappe, même si dans le reste de l'article on évoque à plusieurs reprises le fait que c'est un enseignement de science économique et de science sociale. D'ailleurs il faut mettre au crédit de Jean-Pierre Boisivon le fait qu'il rappelle sans détours que l'enseignement en lycée général "n'a pas de finalité professionnelle. Il a pour but d'assurer la culture générale et la formation intellectuelle à travers les différentes matières, dont l'économie et les sciences sociales".
Il faut également souligner cette prise de position rare chez les adhérents de l'IDE : Boisivon affirme dès le début de l'interview que "l'enseignement de l'économie n'a pas pour mission de produire les bons petits soldats de l'économie capitaliste, ni d'inoculer une méfiance systématique à son égard". Je pense, ou tout du moins j'espère, que cette position est partagée par l'ensemble des professeurs de Sciences économiques et sociales. On est loin des propos que peut tenir l'actuel Président de l'IDE, Michel Pébereau, qui rappelait il n'y a pas si longtemps "qu'il serait bon d'effectuer un travail pédagogique de fond sur nos lycéens, comme cela a été fait par les entreprises depuis 20 ans auprès de leurs salariés, afin de les sensibiliser aux contraintes du libéralisme et à améliorer leur compétitivité, en adhérant au projet de leur entreprise". Je suis peut-être un grand naïf, mais J.-P. Boisivon ne semble pas être un tenant de l'économie bisounours, on ne peut que l'en féliciter.
C'est par la suite que les choses se gâtent un peu. L'ancien délégué général de l'IDE affirme que "le programme n'a pas pris en compte des évolutions contemporaines très importantes". Je veux bien accepter la critique, mais les exemples qu'il prend me semble particulièrement mauvais. En effet, il s'attarde à expliquer que la mondialisation est trop absente des programmes officiels, que la notion de valeur ajoutée ne fait pas partie de la culture générale des jeunes, et que les fondements du fonctionnement de l'entreprise ne sont pas abordés.
On se doit de s'inscrire en faux pour chacun de ces exemples. La mondialisation est un des trois thèmes du programme de Terminale, c'est-à-dire celui qui sert de base aux épreuves du baccalauréat en SES. Un tiers de l'année est consacrée aux enjeux de l'ouverture internationale, depuis les stratégies des firmes transnationales (avec les notions de compétitivité, d'investissement direct à l'étranger, etc.) jusqu'aux nouveaux cadres de l'action publique avec l'intégration européenne, en passant par la mondialisation culturelle, l'étude des grands organismes internationaux (FMI, BM, OMC), la division internationale du travail, le débat protectionnisme-libre échange, etc... Et pour les élèves qui choisiraient l'option de SES en Terminale en plus de leur enseignement de tronc commun, ils bénéficient d'un enseignement portant sur l'œuvre de David Ricardo et son actualité en matière de commerce international.
En ce qui concerne la notion de valeur ajoutée, il faut savoir que c'est LA SEULE NOTION qui est présente dans tous les programmes de l'enseignement de SES, depuis la seconde jusqu'à la terminale ! Elle suit les élèves depuis l'initiation en classe de seconde jusqu'au baccalauréat. Donc je veux bien croire "qu'un jeune sur dix ne sait pas ce qu'est la valeur ajoutée", mais la solution ne consiste pas dans la révision des programmes de Sciences Economiques et Sociales, mais bel et bien dans la diffusion de cet enseignement dans toutes les filières du lycée général !
Enfin J.P. Boisivon suppose l'absence d'explications sur le fonctionnement de l'entreprise. Certes nous ne rentrons pas dans des détails techniques de microéconomie, mais la question est tout de même largement balayée encore une fois de la seconde à la terminale. Et plus particulièrement en classe de Première où nous abordons les notions de coûts (marginaux, moyens, fixes, variables), le profit, la productivité, les économies d'échelle, la concentration, la coopération, les barrières à l'entrée et à la sortie, la différenciation des produits, l'innovation, les incertitudes, le contrôle de la concurrence, la loi de l'offre et de la demande, la concurrence imparfaite, un peu d'économie de l'information, etc... La liste est longue.
Finalement, la question à se poser n'est peut-être pas celle des programmes (quoi ajouter, quoi enlever) qui même s'ils ne seront jamais parfaits, semblent plutôt bien adaptés à l'actualité économique et sociale. C'est plutôt la question des jeunes à qui l'on dispense cet enseignement de Sciences économiques et sociales qu'il faut se poser ; certains diront que je suis juge et partie, que je prêche pour ma chapelle, mais à mes yeux il est urgent de permettre au plus grand nombre de bénéficier de cet enseignement, tant il est apprécié par ceux qui le suivent, et nécessaire s'il on veut faire des actuels lycéens des futurs citoyens informés, autonomes et aptes à prendre les bonnes décisions.
3 commentaires:
Tu pointes un détail très important : que pensent les lycéens de cet enseignement ? Apparemment, les dernières grandes consultations ont révélé qu'il était plutôt apprécié... Après tout, ils sont quand même les premiers concernés.
Excellent papier; mais j'ai parfois l'impression que des gens comme Boisivon ne connaissent pas vraiment les programmes (actuels). C'est manifeste ici, à propos de la mondialisation.
Merci pour ce blog que je viens de découvrir.
J'ai fait ES et ne le regrette pas, autant pour l'économie que pour la sociologie : un professeur au caractère bien trempé, très compétent, qui poussait les élèves à ré-flé-chir, des thématiques passionnantes...
Peut-être existe t-il une certaine méconnaissance du programme de SES; j'ai déjà entendu par-ci par là certaines personnes penser que "cela avait à voir avec l'économie, le social et l'entreprise". Or c'est partiellement faux. L'entreprise concrète est vue sous l'oeil de la microéconomie, pas la réalité du terrain. Avec le Bac, on ne sait pas plus qu'un autre comment cela se passe concrètement en entreprise, même si on sait plus que les autres quels sont ses mécanismes de fonctionnement.
Et comme dirait mon ancien professeur d'histoire-géo dont je me souviendrai toujours : "L'enseignement général au Lycée forme des citoyens." C'est sans doute une grande différence avec nos voisins européens et la perception qu'ont certaines personnes du Baccalauréat ES (et des autres).
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