jeudi 23 juillet 2009

Jeanbart et Bourdieu

Le directeur politique d'Opinion Way a vu ses propos rapportés comme tels dans un article paru hier sur le site www.lemonde.fr :

En France, une école de sociologie a toujours critiqué les sondages, c'est l'école bourdieusienne, qui prône le qualitatif par rapport au quantitatif.
C'est moi qui souligne.

Apparemment Bruno Jeanbart n'a pas bien lu Pierre Bourdieu. Dès ses premiers travaux sur la société Kabyle alors qu'il est encore assistant à Alger, P. Bourdieu croise les différentes méthodes d'enquête sociologique, qu'il s'agisse de l'enquête statistique, de l'entretien, de l'observation ethnographique, ou du travail sur archives, etc... Et on n'imagine mal Bourdieu et Passeron se passer de l'outil statistique pour des oeuvres telles que Les Héritiers ou La Reproduction. Bourdieu n'a donc jamais prôné le qualitatif par rapport au quantitatif. Pourquoi le sociologue devrait-il se priver d'un outil ? Certes il s'en est pris au sondage d'opinion et à leur construction dans Questions de sociologie (j'en parlais là). Mais ce n'est pas pour autant qu'il reniait les apports d'un outil aussi précieux que les enquêtes stats. Seulement, en bon sociologue, il questionnait sa propre méthodologie, qu'il s'agisse de la qualité des questions d'une grille d'entretien, ou de la pertinence des catégories construites pour une enquête quantitative.

2 commentaires:

Denis Colombi a dit…

On peut même préciser que Bourdieu s'en est pris aux sondages d'opinion et non aux sondages en tant que méthodes, en tant qu'échantillonage. Cette confusion est simplement stupide de la part de quelqu'un dont c'est plus ou moins censé être le métier... Et il suffit de feuilleter quelques uns des premiers numéros des Actes de la recherche en sciences sociales pour avoir une idée du travail quantitatif que faisaient Bourdieu et ses discplines, avant que les ordinateurs ne facilitent la tâche.

Fr. a dit…

C'est même exactement l'inverse de ce qu'affirme Jeanbart : ce n'est pas l'élément quantitatif des sondages d'opinion que rejetait Bourdieu (lui-même ayant pratiqué toutes sortes de mesures, parfois bancales par ailleurs), mais la fiction (qualitative) de l'existence d'une opinion publique.

Au moins a-t-on la preuve à présent que, si la sociologie française s'est donnée la peine de lire les sondeurs d'opinion, la réciproque ne se vérifie pas. Ce n'était pas vraiment nécessaire, mais bon.