mardi 5 février 2008

Revalorisation nominale, revalorisation réelle

Il y trois types d'annonces gouvernementales (ou presido-gouvernementale dans la "Ve République post moderne") : celles qu'il faut annoncer avant une période électorale, celles qu'il faut annoncer après, et celles qu'il faut annoncer suffisamment tôt pour que le soufflé soit retombé avant. Le paquet fiscal et la réforme des régimes spéciaux faisaient partie de la troisième catégorie. Les annonces de revalorisation du minimum vieillesse et du salaire des fonctionnaires entrent dans la première. Et nous ne savons pas encore quelles seront celles qui entreront dans la seconde catégorie, les paris sont ouverts.

Aujourd'hui François Fillon et Eric Woerth annoncent respectivement une revalorisation du minimum vieillesse de 25% d'ici à 2012 et l'augmentation du traitement des fonctionnaires de 3,7% en 2008. Belles annonces, qui font plaisir aux personnes concernées, mais sont elles si belles qu'elles en ont l'air ?

Dérapage de l'inflation pour le dernier trimestre 2007
En moyenne l'inflation s'élève à 1,5% pour l'année qui vient de s'écouler. Cela reste raisonnable si l'on compare à l'inflation de la zone euro qui grimpe à 3%, et à l'objectif de la Banque Centrale Européenne qui s'est fixé comme limite 2%. Rappelons que la stabilité des prix est l'objectif numéro un de la banque centrale. Mais si l'on observe plus particulièrement le dernier trimestre 2007, on observe des taux qui vont de 2% à 2,6% en rythme annuel.

La technique pour bien déflater
Pour transformer une valeur nominale en valeur réelle, en clair pour prendre en compte l'effet de l'inflation, il faut rapporter l'indice des salaires ou du minimum vieillesse à celui des prix.

On ne sait pas quelle sera l'évolution de cet indice des prix pour 2008. La BCE tient la ligne qui est la sienne, à savoir maintenir des taux d'intérêts suffisamment élevés pour freiner la création monétaire (le crédit) et donc limiter l'inflation. Mais il n'y a pas que l'inflation par la création monétaire, il y a également l'inflation par la demande (si je n'obtiens pas de crédit, je peux toujours désepargner ce qu'il me reste pour maintenir un niveau de consommation voire l'augmenter) et l'inflation par les coûts (si le prix des matières premières et des consommations intermédiaires que j'importe augmentent je dois les répercuter sur les prix de mes produits). Et la BCE ne peut rien y faire, sauf à maintenir un euro fort avec pour conséquences des importations facilitées mais des produits qui perdent en compétitivité-prix vis-à-vis des produits payés en dollars.

Bref, faisons l'hypothèse (complètement infondée mais c'est pour l'exercice) d'une inflation autour de 2,5% (soit entre le taux constaté sur la dernière période dans la zone euro et l'objectif de la Banque Centrale Européenne) alimentée notamment par la hausse du prix du pétrole. Si je calcule la hausse réelle du traitement des fonctionnaires pour 2008 : 103,7/102,5 x 100=101,17. La hausse nominale était de 3,7%, la hausse réelle sera de 1,17% avec une hypothèse à 2,5% d'inflation. De la même manière, si l'on se projette dans 5 ans avec le même taux d'inflation annuel, j'atteindrai un taux de 13,1% (= 1,025 x 1,025 x 1,025 x 1,025 x 1,025). La hausse nominale du minimum vieillesse de 25% se transforme, toujours avec l'hypothèse d'un taux d'inflation annuel de 2,5%, en une hausse réelle de 10,5%.

John Maynard Keynes avait mis en avant le phénomène de l'illusion monétaire : les individus n'interpretent que les revenus nominaux (ce qu'il y a en bas de la fiche de paye) et non leurs revenus réels. Pour Milton Friedman, cette illusion ne joue qu'un certain temps : on se fait avoir une fois, pas deux. Ce qui signifie que nos anticipations s'adaptent avec le temps. Quoi qu'il en soit, entrainez-vous à raisonner en termes réels, et non nominaux !

1 commentaire:

Denis Colombi a dit…

Et là, je regrette de ne pas avoir de première à qui filer cette note pour qu'ils s'entraînent... L'année prochaine, peut-être.