jeudi 15 novembre 2007

Socle commun et justice sociale

Dans le dernier numéro de l'Enseignant, la revue du Syndicat des enseignants-Unsa, on trouve une interview de François Dubet, sociologue de l'éducation. Il s'exprime sur la question du socle commun de connaissances et de compétences. Kezako le socle ? Je sors de 6 heures de formation sur ce thème, et j'y vois relativement plus clair. Quoique...
Prof de lycée, je ne devrai pas être amené à "pratiquer" ce socle puisque c'est le brevet des collèges qui valide la maîtrise des sept "piliers" qui composent le socle. Pour autant (et au risque de faire une belle lapalissade) on ne peut pas enseigner à des lycéens s'ils ne sont pas passés par le collège. Entendez par là qu'un prof de lycée fera mieux son travail si les élèves qu'il reçoit en début de seconde ont les pré-requis nécessaire à la scolarité dans ce que l'on appelle le cycle de détermination (seconde) et le cycle terminal (première et terminale). Alors c'est quoi le socle et qu'est ce qu'en pense François Dubet ?

Le socle fait partie de la loi Fillon de 2005
Le socle commun de connaissances et de compétences est défini par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École du 23 avril 2005 plus connue sous le nom de loi Fillon. Souvenez-vous, les manifs lycéennes, parfois violentes, soulevant une polémique intellectuelle, etc... C'était autour de cette loi qui contient, en outre du socle, le retour des bourses au mérite, la suppression des Travaux Pratiques Encadrés en Terminale, la suppresion du deuxième enseignement de détermination en classe de seconde, le non remplacement des enseignants pour des absences de moins de deux semaines. Le printemps 2005 est également marqué par le référendum sur Traité Européen, et le NON massif des français entraine le limogeage de François Fillon et l'abandon de certaines mesures de la loi par son successeur.

Les 7 piliers et 3 paliers
Le socle est donc devenu la référence en matière de rédaction des programmes et il repose sur sept piliers :
* la maîtrise de la langue française ;
* la pratique d'une langue vivante étrangère ;
* les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique ;
* la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication ;
* la culture humaniste ;
* les compétences sociales et civiques
* l'autonomie et l'esprit d'initiative.

Vaste programme, un peu fourre-tout quand on y regarde de plus près, dans lequel on trouve "Savoir nager" dans le septième pilier, à côté de "développer sa volonté de se prendre en charge personnellement" et "prendre conscience de l'influence des autres sur ses valeurs et ses choix". C'est une sorte de résultat de brainstorming organisé afin de définir le profil du collègien modèle en fin de 3ème. La barre est haute, et la multitude des exigeances prouve à ceux qui pensent encore que "le niveau baisse" que les élèves du XXIème siècle ont un niveau supposé de gestion et de compréhension de la complexité du réel bien plus élevé que leurs parents (et a fortiori leurs grands-parents) au même âge.

L'évolution de la maîtrise des compétences et connaissances est évalué à trois moments distincts de la scolarité :

* le premier, en fin de C.E.1, correspond notamment à l'acquisition de la lecture courante et de l'écriture ;
* le deuxième, au terme de l'école primaire, mesure en particulier l'acquisition des règles fondamentales de la grammaire, du calcul élémentaire et des quatre opérations ;
* enfin, le brevet des collèges atteste de la maîtrise des sept compétences du socle.

Un livret personnel permet à l'élève, à sa famille et aux enseignants de suivre l'acquisition progressive des compétences : il est expérimenté au cours de l'année scolaire 2007-2008. Déjà les livrets expérimentaux proposent quatre paliers, avec une évaluation en fin de 6e.

Justice sociale et lien social
François Dubet, dans l'interview que je mentionnais en introduction de cette note, met en avant deux raisons qui l'amènent à défendre le principe du socle commun. Tout d'abord le "socle" est pour lui un moyen de garantir une justice sociale, au sens de Rawls (pour faire rapide dans le modèle "Rawlsien", les inégalités sont justes et légitimes si elles ne réduisent pas la liberté des individus, ni l’égal accès aux positions sociales, et si elles profitent aussi aux plus défavorisés). Pour Dubet "la question fondamentale est de savoir quelles sont les compétences que les plus faibles ont pu acquérir. C’est beaucoup plus difficile d’obtenir une masse d’élèves maîtri­sant les compétences essentielles que de dégager une minorité de très bons élèves. En France, on accepte l’idée d’un salaire minimum, d’un niveau de santé élémentaire, de conditions élémentaires de logement... Étrangement, c’est un raisonnement qui ne passe pas facilement dans le monde scolaire, beaucoup trop méritocratique". Le socle garantirait donc l'égale maîtrise de compétences de base, allant ainsi vers plus de justice sociale.

Après avoir insisté sur le "socle" il trouve une deuxième raison de légitimer celui-ci à travers son qualificatif "commun". Dans une société éclatée culturellement et socialement, garantir des bases communes serait un gage d'unité sociale, une source de lien social : "Aujourd’hui, nous avons des programmes d’enseignement ambitieux. La plupart des élèves ne peuvent pas les atteindre. On leur propose donc de faire du soutien scolaire pour qu’ils rattrapent le train qu’ils n’ont pas pris. En général, ils le rattrapent assez peu. Moi je pense qu’il faudrait faire le contraire. On doit s’assurer que tous montent dans le train, ce qui ne doit nullement empêcher certains d’aller plus loin et plus vite. Mais cela ne va pas être aux dépens de ce que tous les élèves savent faire".

J'aimerais être aussi confiant que François Dubet quand à l'efficacité d'un tel socle. Mais j'ai encore quelques doutes. L'avenir nous le dira. Les programmes du collège vont être mis en conformité avec le socle progressivement. Déjà quelques élements sont mis en place pour l'année 2007-2008 tel que le Brevet Informatique et Internet (B2i) qui devient obligatoire en vue de l'obtention du Brevet des collèges.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Personnellement, je suis assez d'accord avec ce qu'écrit François Dubet.
L'idée d'un socle commun ne me déplait pas en soi. Maintenant, j'ai bien peur que cela soir une coquille vide. Si le socle commun consiste à prendre un stabylo-boss et souligner ce qui est important dans les programmes, cela ne me parait pas intéressant voir dangereux (c'est un peu l'argument des partisans de la thèse du "SMIC culturel"). Par contre, tu dois constater comme moi, qu'un certain nombre d'élèves arrivent en lycée en ne maitrisant pas toujours les "fondamentaux".
J'aime assez ce terme (même si je sais qu'il est polémique, y compris dans notre discipline^^). J'ai joué au basket, et dans ce sport, les fondamentaux constituent des bases: savoir dribler, faire une passe, shooter, se situer sur un terrain. A partir de ces fondamentaux, chacun peut produire du "jeu". Si on ne les maitrise pas, on s'aperçoit que tout le monde court après le ballon, fait des fautes, et au bout du compte ne joue pas le jeu (d'ailleurs, au basket, on s'esseoufle très vite lorsqu'on ne sait pas jouer: un peu comme nos élèves qui s'arrêtent de travailler après avoir constaté que leurs efforts sont vains). Bon j'arrête cette métaphore (qui a aussi ses limites). Je pense que l'essentiel va se jouer:
1 / dans la mise en place de ce socle commun (comment on fait concrètement ? Quand je vois que personne ne se préoccupe du B2i au lycée alors que les grilles de compétences ne sont pas si mal que cela...)
2 / dans l'évaluation de ce socle commun.
J'ai trop de souvenirs de soi-disantes grandes réformes qui se sont ensablées faute d'avoir réfléchit sur leur mise en place (je pense par exemple aux modules d'il y a 10 ans ou aux TPE sabordés par la réforme Fillon).

christophe foraison a dit…

pardon pour les fautes de frappe, il y en a plein, je ne me suis pas relu...un peu comme les élèves ^^