Moral Academy ou la dernière croisade contre les SES
Après l'Association Jeunesse et Entreprises et son rapport sur l'enseignement de SES remis à Xavier Darcos le 24 juin dernier, le rapport de la commission Guesnerie toujours remis au même Xavier Darcos le jeudi 3 juillet, c'est au tour de l'Académie des Sciences Morales et Politiques de publier hier un pamphlet anti-SES. La cerise sur le gateau, l'estocade, la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
L'invité mystère
TOP ! Passé par Centrale, je suis un ancien dirigeant du CNPF de 1981 à 1986, j'ai fondé l'association Jeunesse et Entreprises dont je suis toujours le président depuis plus de 22 ans. Spécialiste du lobbying idéologique pour la cause du patronat j'ai mes entrées partout grâce à ma légion d'honneur et mon fauteuil à l'Académie des Huit, ce qui me permet d'user d'arguments d'autorité pour raconter n'importe quoi sur l'enseignement de l'économie en France, j'ai été auditionné par la commission Guesnerie et j'abhorre Alternatives Économiques, mon rêve est de voir un jour une loi qui, un peu comme en Roumanie, obligerait les médias à évoquer 50% de faits positifs sur le monde de l'entreprise. Je suis, je suis...
Yvon Gattaz, l'homme qui se cache derrière les trois rapports !!
Vous avez trouvé ? Félicitations, vous pouvez repartir avec votre exemplaire dédicacé de Mes vies d'entrepreneurs, le Ma-vie-Mon-œuvre d'Yvon Gattaz dans lequel il explique comment il est parvenu à transformer son "petit atelier de bricolage, comme il le dit plaisamment, en une moyenne entreprise prospère défiant les multinationales, une constellation d'unités de production à taille humaine, indépendantes, terrain idéal pour l'innovation et l'adaptation aux caprices du marché". Oh c'est beau !! En plus il y a des petites fleurs sur la couverture, c'était le printemps, les oiseaux revenaient... Ça sent l'économie bisounours tout ça !
La stratégie est bonne...
Depuis quelques mois (quelques années) que les idéologues se lâchent, leur efficacité était de plus en plus émoussée. En effet, leurs positions trop marquées dans le champ idéologique les plaçaient dans une situation relativement inconfortable pour attaquer les SES pied au plancher. Ils ont adopté un changement stratégique pour renforcer leur puissance de frappe : se cacher derrière des institutions et des personnalités qui jouissent d'une légitimité forte.
Attaquer depuis l'Institut De l'Entreprise pour Michel Pébereau ou depuis AJE pour Yvon Gattaz n'est pas suffisamment efficace. Qu'à cela ne tienne : faire carrière dans la noblesse d'État doit bien servir à quelque chose, notamment à noyauter les institutions les plus reconnues. Depuis leur tour d'ivoire de l'Institut de France, avec force discours performatifs, ils tirent à boulets rouges, protégés par les ors de l'Académie des Sciences Morales et Politiques. Y. Gattaz est ainsi l'initiateur de ce rapport, M. Pébereau en a rédigé l'introduction.
On a accusé Yvon Gattaz et Michel Pébereau de faire dans l'idéologie, alors ils s'adaptent et pour être plus efficaces changent leur fusil d'épaule. Ils convoquent ainsi cinq sommités scientifiques internationales par le biais de leurs réseaux bien développés. Atkinson, Chiappori, Hellwig, Scheinkman et Vives, jouent le rôle de bouclier parfait. On ne peut plus rien reprocher au couple Gattaz-Pébereau, ce sont des scientifiques qui parlent et non des idéologues.
...Mais la tactique est mauvaise.
La tactique est mauvaise parce que la ficelle est trop grosse. Vous me direz, en citant un illustre Président de la République que, "plus c'est gros, mieux ça passe". Mais trois fois en deux semaines, cela commence à faire beaucoup. D'ailleurs l'Agence Education Formation, dans sa dépêche d'hier, remarque également l'omniprésence d'Yvon Gattaz dans les attaques contre les SES. Ça commence à se voir...
C'est trop gros parce que cela raisonne trop bien avec les propos de Xavier Darcos de jeudi dernier : "les manuels [de SES] pourraient faire l'objet d'une évaluation par des groupes d’experts à "l’opinion autorisée", comme par exemple des revues scientifiques, l’Association française de science économique ou l’Académie des sciences morales et politiques." Académie dont le Ministre est lui-même membre à vie depuis 2006. Réponse du berger à la bergère, dans le rapport de l'ASMP on peut lire :
L'Académie des Sciences morales et politiques serait prête à apporter son concours à la définition d‘un tel programme d'enseignement des sciences économiques et sociales, si le Ministre de l'Éducation nationale le souhaitait. (...)
Quant aux manuels, il est clair que les problèmes constatés rendent indispensable une analyse critique régulière de leur contenu. L'Académie souhaite vivement que d'autres institutions prennent, dans deux ou trois ans, le relais de son initiative. Elle espère qu'il sera possible de rassembler un groupe d'experts aussi éminents et incontestables que ceux qui ont bien voulu se mobiliser pour cette mission.
Et une petite phrase bien performative au passage : si l'Académie dit que les experts sont éminents et incontestables, ils le seront d'autant plus.
Et techniquement, c'est pas bon non plus.
Là où le bât blesse c'est que le rapport n'est pas bon, il n'est pas rigoureux. Pourtant on est en droit d'attendre de la part des universitaires convoqués, et dont la légitimité est rappelée à toutes les pages dans l'introduction, un travail de qualité. Or dans la synthèse on peut lire qu'un certain nombre de concepts fondamentaux ne sont pas explicitement au programme, et les auteurs de citer la notion d'élasticité, de coût marginal, de risque, etc. Il se trouve que ces notions sont bel et bien au programme de l'enseignement de SES. Comment ont-ils pu passer à côté ? N'ont ils pas lus les indications complémentaires ?
Les auteurs dénoncent les lacunes de programmes que par ailleurs ils jugent trop lourd. Le propos est ici incohérent. Ils rajoutent une liste de notions qui, à leurs yeux, devraient figurer dans les programmes, alors qu'on dénombre déjà pas moins de 270 notions essentielles ou complémentaires à connaître pour les élèves dans les trois années de formation en SES. Et les notions qu'ils ajoutent sont parfois d'une complexité qui relève clairement de l'enseignement supérieur.
Les sciences sociales sont carrément dans l'angle mort, aucune mention dans le rapport si ce n'est que "la" science économique devrait avoir son enseignement propre, et devrait être séparée des sciences sociales (pour séparer le bon grain de l'ivraie ?). Et par ailleurs il est expliqué que les auteurs du rapport n'ont aucune compétence en matière de sciences sociales.
Autre aveu de faiblesse du rapport, les auteurs n'ont pas d'expérience d'enseignement dans le secondaire. A la lecture, on se demande d'ailleurs à quand remonte leur dernière discussion avec des adolescents de 15 ans tant les préconisations semblent à des années lumières des réalités pédagogiques. C'est un peu comme si le lycéen de seconde étaient perçus comme un étudiant de licence d'éco, mais en plus petit. Pourtant les lycéens sont encore dans une formation générale, et ne se dirigent pas tous vers les UFR de sciences économiques et de gestion. Les étudiants sont quant à eux dans une démarche de spécialisation et c'est bien normal. Si l'un des objectifs des filières générales est bien de préparer les lycéens à une poursuite d'étude, l'objectif du lycée n'est pas de devenir une petite université.
Les apports des sciences de l'éducation sont encore une fois totalement occultés. La réalité du travail en classe est au mieux non prise en compte, au pire complètement fantasmée. Les manuels du secondaire sont comparés à des handbooks anglo-saxons qui s'ils ont fait leur preuve dans les premiers cycles d'économie, ne sont absolument pas adaptés à des élèves du secondaire, et pour cause. Les programmes français sont eux aussi comparés aux quelques textes américains (il faut savoir que l'enseignement d'économie au lycée aux Etats-Unis dépend des politiques des différents états : certains ont cet enseignement, d'autre non).
Surtout, l'enseignement d'économie tel qu'il existe dans le système scolaire outre-manche est indiqué comme étant l'horizon vers lequel il faudrait tendre. Il semblerait que les auteurs du rapport n'aient pas tout à fait pris en compte les dernières évolutions de cette filière en Grande-Bretagne : l'option économie qui était une des premières choisie au cours des années 70 a perdu près de la moitié des ses étudiants au cours des années 90 et cela parce que les contenus devenaient trop abstraits, trop formalisés et ne permettaient pas aux élèves de comprendre le monde qui les entoure. (On lira à profit les travaux d'Adeline Richet pour plus de précision sur cette question).
Comprendre...
C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit. Comprendre le monde qui nous entoure. C'est l'un des objectifs de la formation en Sciences Économiques et Sociales que de permettre à nos lycéens, futurs citoyens, de comprendre le monde qui les entoure, de décrypter l'information dans la complexité de nos sociétés contemporaines. Or les rapports successifs pointent une supposée tension entre cet objectif et celui qui consiste en la préparation des élèves du secondaire à leur poursuite d'étude dans le supérieur. On comprend bien que subordonner un objectif à l'autre, voire même disqualifier totalement l'objectif de formation citoyenne, pourrait permettre de limiter la formation d'un esprit critique (et non pas "de critique") qui gène aux entournures les instigateurs de cette offensive réactionnaire et conservatrice.
Il va sans dire que les professeurs de Sciences économiques et sociales sont toujours preneurs de critiques constructives qui permettraient d'améliorer la qualité de leur travail auprès des lycéens. Mais cette tension entre ces deux objectifs de formation est construite plus que "naturelle", dans la mesure où ils s'auto-entretiennent plus qu'ils ne s'opposent. La formation générale est bien ce qui motive nos élèves, ce qui les fait s'impliquer dans leur formation intellectuelle, celle-ci leur fournissant les outils pour améliorer leur compréhension générale et mieux appréhender le monde dans lequel ils vivent. La motivation de nos élèves est bien la preuve que l'enseignement de Sciences économiques et sociales est un enseignement qui "fonctionne bien", globalement apprécié par les lycéens parce qu'il est fortement porteur de sens pour eux, qu'il en fait des étudiants ouverts, qui connaissent une réussite très importante dans les filières de l'enseignement supérieur.
L'invité mystère
TOP ! Passé par Centrale, je suis un ancien dirigeant du CNPF de 1981 à 1986, j'ai fondé l'association Jeunesse et Entreprises dont je suis toujours le président depuis plus de 22 ans. Spécialiste du lobbying idéologique pour la cause du patronat j'ai mes entrées partout grâce à ma légion d'honneur et mon fauteuil à l'Académie des Huit, ce qui me permet d'user d'arguments d'autorité pour raconter n'importe quoi sur l'enseignement de l'économie en France, j'ai été auditionné par la commission Guesnerie et j'abhorre Alternatives Économiques, mon rêve est de voir un jour une loi qui, un peu comme en Roumanie, obligerait les médias à évoquer 50% de faits positifs sur le monde de l'entreprise. Je suis, je suis...
Yvon Gattaz, l'homme qui se cache derrière les trois rapports !!
Vous avez trouvé ? Félicitations, vous pouvez repartir avec votre exemplaire dédicacé de Mes vies d'entrepreneurs, le Ma-vie-Mon-œuvre d'Yvon Gattaz dans lequel il explique comment il est parvenu à transformer son "petit atelier de bricolage, comme il le dit plaisamment, en une moyenne entreprise prospère défiant les multinationales, une constellation d'unités de production à taille humaine, indépendantes, terrain idéal pour l'innovation et l'adaptation aux caprices du marché". Oh c'est beau !! En plus il y a des petites fleurs sur la couverture, c'était le printemps, les oiseaux revenaient... Ça sent l'économie bisounours tout ça !
La stratégie est bonne...
Depuis quelques mois (quelques années) que les idéologues se lâchent, leur efficacité était de plus en plus émoussée. En effet, leurs positions trop marquées dans le champ idéologique les plaçaient dans une situation relativement inconfortable pour attaquer les SES pied au plancher. Ils ont adopté un changement stratégique pour renforcer leur puissance de frappe : se cacher derrière des institutions et des personnalités qui jouissent d'une légitimité forte.
Attaquer depuis l'Institut De l'Entreprise pour Michel Pébereau ou depuis AJE pour Yvon Gattaz n'est pas suffisamment efficace. Qu'à cela ne tienne : faire carrière dans la noblesse d'État doit bien servir à quelque chose, notamment à noyauter les institutions les plus reconnues. Depuis leur tour d'ivoire de l'Institut de France, avec force discours performatifs, ils tirent à boulets rouges, protégés par les ors de l'Académie des Sciences Morales et Politiques. Y. Gattaz est ainsi l'initiateur de ce rapport, M. Pébereau en a rédigé l'introduction.
On a accusé Yvon Gattaz et Michel Pébereau de faire dans l'idéologie, alors ils s'adaptent et pour être plus efficaces changent leur fusil d'épaule. Ils convoquent ainsi cinq sommités scientifiques internationales par le biais de leurs réseaux bien développés. Atkinson, Chiappori, Hellwig, Scheinkman et Vives, jouent le rôle de bouclier parfait. On ne peut plus rien reprocher au couple Gattaz-Pébereau, ce sont des scientifiques qui parlent et non des idéologues.
...Mais la tactique est mauvaise.
La tactique est mauvaise parce que la ficelle est trop grosse. Vous me direz, en citant un illustre Président de la République que, "plus c'est gros, mieux ça passe". Mais trois fois en deux semaines, cela commence à faire beaucoup. D'ailleurs l'Agence Education Formation, dans sa dépêche d'hier, remarque également l'omniprésence d'Yvon Gattaz dans les attaques contre les SES. Ça commence à se voir...
C'est trop gros parce que cela raisonne trop bien avec les propos de Xavier Darcos de jeudi dernier : "les manuels [de SES] pourraient faire l'objet d'une évaluation par des groupes d’experts à "l’opinion autorisée", comme par exemple des revues scientifiques, l’Association française de science économique ou l’Académie des sciences morales et politiques." Académie dont le Ministre est lui-même membre à vie depuis 2006. Réponse du berger à la bergère, dans le rapport de l'ASMP on peut lire :
L'Académie des Sciences morales et politiques serait prête à apporter son concours à la définition d‘un tel programme d'enseignement des sciences économiques et sociales, si le Ministre de l'Éducation nationale le souhaitait. (...)
Quant aux manuels, il est clair que les problèmes constatés rendent indispensable une analyse critique régulière de leur contenu. L'Académie souhaite vivement que d'autres institutions prennent, dans deux ou trois ans, le relais de son initiative. Elle espère qu'il sera possible de rassembler un groupe d'experts aussi éminents et incontestables que ceux qui ont bien voulu se mobiliser pour cette mission.
Et une petite phrase bien performative au passage : si l'Académie dit que les experts sont éminents et incontestables, ils le seront d'autant plus.
Et techniquement, c'est pas bon non plus.
Là où le bât blesse c'est que le rapport n'est pas bon, il n'est pas rigoureux. Pourtant on est en droit d'attendre de la part des universitaires convoqués, et dont la légitimité est rappelée à toutes les pages dans l'introduction, un travail de qualité. Or dans la synthèse on peut lire qu'un certain nombre de concepts fondamentaux ne sont pas explicitement au programme, et les auteurs de citer la notion d'élasticité, de coût marginal, de risque, etc. Il se trouve que ces notions sont bel et bien au programme de l'enseignement de SES. Comment ont-ils pu passer à côté ? N'ont ils pas lus les indications complémentaires ?
Les auteurs dénoncent les lacunes de programmes que par ailleurs ils jugent trop lourd. Le propos est ici incohérent. Ils rajoutent une liste de notions qui, à leurs yeux, devraient figurer dans les programmes, alors qu'on dénombre déjà pas moins de 270 notions essentielles ou complémentaires à connaître pour les élèves dans les trois années de formation en SES. Et les notions qu'ils ajoutent sont parfois d'une complexité qui relève clairement de l'enseignement supérieur.
Les sciences sociales sont carrément dans l'angle mort, aucune mention dans le rapport si ce n'est que "la" science économique devrait avoir son enseignement propre, et devrait être séparée des sciences sociales (pour séparer le bon grain de l'ivraie ?). Et par ailleurs il est expliqué que les auteurs du rapport n'ont aucune compétence en matière de sciences sociales.
Autre aveu de faiblesse du rapport, les auteurs n'ont pas d'expérience d'enseignement dans le secondaire. A la lecture, on se demande d'ailleurs à quand remonte leur dernière discussion avec des adolescents de 15 ans tant les préconisations semblent à des années lumières des réalités pédagogiques. C'est un peu comme si le lycéen de seconde étaient perçus comme un étudiant de licence d'éco, mais en plus petit. Pourtant les lycéens sont encore dans une formation générale, et ne se dirigent pas tous vers les UFR de sciences économiques et de gestion. Les étudiants sont quant à eux dans une démarche de spécialisation et c'est bien normal. Si l'un des objectifs des filières générales est bien de préparer les lycéens à une poursuite d'étude, l'objectif du lycée n'est pas de devenir une petite université.
Les apports des sciences de l'éducation sont encore une fois totalement occultés. La réalité du travail en classe est au mieux non prise en compte, au pire complètement fantasmée. Les manuels du secondaire sont comparés à des handbooks anglo-saxons qui s'ils ont fait leur preuve dans les premiers cycles d'économie, ne sont absolument pas adaptés à des élèves du secondaire, et pour cause. Les programmes français sont eux aussi comparés aux quelques textes américains (il faut savoir que l'enseignement d'économie au lycée aux Etats-Unis dépend des politiques des différents états : certains ont cet enseignement, d'autre non).
Surtout, l'enseignement d'économie tel qu'il existe dans le système scolaire outre-manche est indiqué comme étant l'horizon vers lequel il faudrait tendre. Il semblerait que les auteurs du rapport n'aient pas tout à fait pris en compte les dernières évolutions de cette filière en Grande-Bretagne : l'option économie qui était une des premières choisie au cours des années 70 a perdu près de la moitié des ses étudiants au cours des années 90 et cela parce que les contenus devenaient trop abstraits, trop formalisés et ne permettaient pas aux élèves de comprendre le monde qui les entoure. (On lira à profit les travaux d'Adeline Richet pour plus de précision sur cette question).
Comprendre...
C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit. Comprendre le monde qui nous entoure. C'est l'un des objectifs de la formation en Sciences Économiques et Sociales que de permettre à nos lycéens, futurs citoyens, de comprendre le monde qui les entoure, de décrypter l'information dans la complexité de nos sociétés contemporaines. Or les rapports successifs pointent une supposée tension entre cet objectif et celui qui consiste en la préparation des élèves du secondaire à leur poursuite d'étude dans le supérieur. On comprend bien que subordonner un objectif à l'autre, voire même disqualifier totalement l'objectif de formation citoyenne, pourrait permettre de limiter la formation d'un esprit critique (et non pas "de critique") qui gène aux entournures les instigateurs de cette offensive réactionnaire et conservatrice.
Il va sans dire que les professeurs de Sciences économiques et sociales sont toujours preneurs de critiques constructives qui permettraient d'améliorer la qualité de leur travail auprès des lycéens. Mais cette tension entre ces deux objectifs de formation est construite plus que "naturelle", dans la mesure où ils s'auto-entretiennent plus qu'ils ne s'opposent. La formation générale est bien ce qui motive nos élèves, ce qui les fait s'impliquer dans leur formation intellectuelle, celle-ci leur fournissant les outils pour améliorer leur compréhension générale et mieux appréhender le monde dans lequel ils vivent. La motivation de nos élèves est bien la preuve que l'enseignement de Sciences économiques et sociales est un enseignement qui "fonctionne bien", globalement apprécié par les lycéens parce qu'il est fortement porteur de sens pour eux, qu'il en fait des étudiants ouverts, qui connaissent une réussite très importante dans les filières de l'enseignement supérieur.
6 commentaires:
Encore ! mais où trouve-t-il le temps de faire tourner son atelier de bricolage, ce monsieur Gattaz ? Ils vont finir par avoir les profs de SES à l'usure, y en a même qui parlent d'arrêter leur blog !
excellent article...sur ce stéréotype du petit entrepreneur frustré :-) j'aime bien ta définition de ta matière...je donne la même...pour la meme!!!! :-)
D'abord, merci pour ce que l'auteur de ce blog nous donne à lire aujourd'hui comme depuis de nombreux mois. Ses articles, pertinents et rigoureux, sont un antidote essentiel en ce qui me concerne et dans cette époque de zapping, d'effets d'annonce et d'écrans de fumée.
Je voulais juste faire part d'une réaction sans doute assez épidermique et peut-être hors de propos, en tant qu'ancien élève et bachelier ES. Il s'agit de la volonté visiblement énoncée par les rapporteurs ici dénoncés, de séparer économie et sociologie. Ce que je vais dire sera peut-être inexacte et même erroné aux yeux des professionnels qui lisent ce blog, et je m’en excuse.
Je suis particulièrement choqué par ce projet. Mais il me semble que depuis longtemps, beaucoup de défenseurs de l'économie le sont contre la sociologie. En fait, on présente l'économie comme qqc de purement mathématique, très scientifique (quasiment une science exacte), donc finalement le domaine des gens sérieux et intelligents qui savent globalement ce qui est bien pour nous (même si je n'écoute plus trop J-M Sylvestre en ce moment, j'ai qq souvenirs...). Par contre, les « sociologues » seraient présentés par ses « économistes » comme une horde de profs barbus et verbeux, souvent gauchistes, aux théories fumeuses. La sociologie est donc considéré par eux comme mineure, voire dangereuse.
Je n’ai pas fait d’étude d’économie, mais des études d’histoire, au sein d’une UFR où cohabitaient historiens et sociologues… Avant qu’ils ne décident de se séparer (et que n’entendait-on sur les sociologues alors …).
Bref, il m’a toujours semblé que certains avaient tendance à ne pas reconnaitre la dimension de Science « humaine » de l’économie. Je pense par exemple au comportement des acteurs économiques qui n’est pas toujours un modèle de logique mathématique, mais bien la transcription des peurs, des aspirations, de l’expérience vécue d’un milieu, d’une culture, d’une époque. J’aurai donc tendance à penser que, dans une certaine mesure, Economie, Sociologie, mais aussi psychologie (pourquoi pas) peuvent faire, et doivent faire, bon ménage.
Et en ce qui concerne l’avenir de cette filière (puisque c’est quand même de ça qu’on parle), je crois que la volonté d’isolé l’économie de la sociologie rendra sans doute cette première un petit peu plus sexy aux yeux d’une poignée d’Ayatollahs, mais sans doute aussi beaucoup moins pertinente.
En tout cas, ce rapport devrait en théorie faire bondir les "pro-entreprises-au-centre-du-programme" : dans la proposition de programme, la part de l'entreprise est pour le moins assez restreinte. Pour le reste, il y a des choses plus ou moins contestables mais ce qui me choque c'est le programme proposé : traiter ça en deux ans est impossible... surtout qu'il ne s'agit que de la partie "économie".
@Matthieu : les choses sont un peu plus complexes que ça. Sur le plan académique, l'économie et la sociologie sont séparées. On peut estimer que c'est regrettable mais c'est comme ça. Le croisement des perspectives disciplinaires est une bonne chose mais pose des problèmes épistémologiques et méthodologiques loin d'être résolus. Vouloir faire un enseignement qui embrasse toutes les dimensions est certainement trop ambitieux... ce qui ne veut pas dire qu'il faille séparer économie (qui est une sciences sociales) et sociologie ou s'interdire un croisement des regards sur certains objets (entreprise ou consommation par exemple).
Je reviens de vacance, et paf, encore un "rapport" à la c... Merci pour cette mise au point, j'aurais sans doute dit la même chose.
Pour le coup, j'avais parlé, moi aussi, dans ma dernière note d'une tension entre les deux objectifs de formation du citoyen et de formation disciplinaire, mais dans mon esprit il y a tension parce qu'il est nécessaire de tenir les deux en permanence et qu'il serait complétement absurde, compte-tenu de la nature même des sciences sociales, de vouloir les séparer. Du coup, je vais plutôt faire une note là-dessus, qui essayera de justifier aussi l'enseignement commun de la sociologie et de l'économie.
bravo. du grand pierre maura.
mais puisque personne ne prend la defense des moralistes je vais le faire.
D'abord, pourquoi en vouloir à des éminents spécialistes de trouver "superficiel" un enseignement et ses manuels qu'ils ont eux meme analysé..heu pardon "feulleté" (de leur propre aveu en intro).
Ensuite, qu'y a t'il de blamable à voir comme "idéologique" "l'enseignement de l'économie au lycée" puisqu'il ne s'agit pas d'un enseignement de LA science économique mais mais malheureusement de scienceS économiques... et sociales en plus.
La conclusion logique serait qu'ils se soient trompé d'objet... mais ce n'est pas possible puisque ce sont des "experts incontestables". Alors, comment comprendre justement?
Ben c'est peut etre très simple, malheureusement :
1-Il y a un problème, ce sont ces satanés-de-français-d'en-bas(et meme quelques uns d'en haut)-qui vont-maintenant-jusqu'au-bac-qui n'arrivent-pas-à-comprendre-les-bienfaits -du-capitalisme-et-des-parachutes-dorés-qui pensent-meme-avoir-un-esprit-critique-alors qu'ils-savent-meme-pas-comment-ont-maximise -un-ROE et, afront supreme, ont le droit de voter.
2- Il faut résoudre ce problème, mais cela ne se fera certainement pas avec l'aide de ces idéologues-de-gauchistes-...(vous avez compris)...-de-profs-de-SES-qui-font-que d'embrigader-la-jeunesse.
LA solution consiste donc à taper un maximum sur les SES jusqu'à leur suppression pour, qu'enfin, un jour les futurs citoyens, abrutis de mathématiques abstraits, puissent librement calculer leur utilité dans leur coin. Et expliquer sereinement à leur beau frère que s'il est au chomage c'est qu'il fait un arbitrage intetemporel et qu'il attend (rationnelement) un choc de productivité pour augmenter son offre de travail (TCR ça vaut un prix nobel).
J'espère que cela n'est pas si simple et que quelqu'un viendra me "faire de la pédagogie" pour que j'y voit moins clair.
Peut etre que je me trompe, mais retenons ceci "l'idéologie, c'est l'idée de mon adversaire" disait Raymond Aron... qui était un idéologue.
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