lundi 30 mars 2009

Pour l'autonomie des étudiants

Lu le 27 mars dans les échos, une tribune de Jean-Baptiste Prévost, actuel président de l'Union Nationale des Étudiants de France. Elle interpelle Valérie Pécresse et Martin Hirsch et a pour thème la création d'une allocation d'autonomie pour les étudiants. Pourquoi en faire la publicité ici ? Outre l'objet de cette tribune qui me tient particulièrement à coeur, il se trouve que l'argumentation déployée par le dirigeant syndical dans toute la première partie est très rigoureuse (une idée, un argument, un exemple) et qu'elle fait appel à bien des éléments vu en cours de SES : évolution des formes familiales, transformations de la population active, impôt et justice sociale, etc. On peut être d'accord ou non (chacun sa conception de la jeunesse, de la place qui doit lui être fait dans la société, doit on créer une nouvelle cotisation pour financer cette mesure ? ce débat est politique), mais sur la forme, si tous les élèves de terminale pouvaient mobiliser des éléments factuels pour construire leur argumentation, le correcteur de dissertation que je suis serait ravi !

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mercredi 18 mars 2009

Pierre Méhaignerie : keynésien malgré lui ?

En ce mercredi après-midi ensoleillé, on apprend que la proposition de contribution exceptionnelle des plus hauts revenus de Pierre Méhaignerie, député UMP et maire de Vitré, vient d'être acceptée en commission à l'Assemblée Nationale. Mais elle a bien peu de chance d'aboutir car pendant ce temps, le gouvernement et une bonne partie de l'UMP ne veulent pas entendre parler d'une discussion sur le niveau du bouclier fiscal.

Pierre Méhaignerie a-t-il lu Keynes ? On dirait, à en croire ses récentes prises de positions sur la fiscalité des hauts revenus. En effet, partant du constat que les classes moyennes se sentent tirées vers le bas, et les classes supérieures tirées vers le haut, il préconise un redéploiement fiscal qui se traduirait par une hausse de l'impôt sur le revenu pour les français gagnant "plus de 300 000 ou 400 000€ par an". Objectif 1 : limiter le déficit public, qui s'accroît en raison des baisses de rentrées fiscales liées au recul de l'activité économique (deux relations simples pour l'illustrer : plus de chômage=moins de cotisations, moins de consommation=moins de TVA). Objectif 2 : un peu plus de solidarité en période de crise, ça ne fait pas de mal.

Keynes aurait été pour cette décision, mais pour une troisième raison (d'où le point d'interrogation dans le titre de ce billet quelque peu provocateur). En effet, dans la conception keynésienne de l'économie, il faut taxer l'excès de capital car celui-ci, loin de favoriser la croissance, la pénalise. Il écrit dans la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie :

Depuis la fin du XIXe siècle, la taxation directe […] des successions a permis de réaliser, surtout en Grande-Bretagne, de sérieux progrès dans la réduction des très grandes inégalités de fortune et de revenu. Certains souhaiteraient qu'on allât beaucoup plus loin dans cette voie, mais ils sont retenus par deux ordres de considérations. D'abord ils craignent de rendre les évasions fiscales trop avantageuses. Mais ce qui à notre avis les arrête surtout, c'est l'idée que la croissance du capital dépend de l'épargne que la classe riche retranche de ses superfluités.
L'idée si répandue que les droits de succession contribuent à réduire la richesse en capital du pays illustre bien la confusion qui existe à cet égard dans l'esprit du public. Si le Gouvernement affecte le produit de ces droits à la couverture de ses dépenses de manière à alléger les impôts qui frappent le revenu et la consommation, il est incontestable qu’une politique fiscale imposant sévèrement les successions a pour effet d’accroître la propension de la communauté à consommer. Mais puisqu’un accroissement de la propension habituelle à consommer contribue en général à renforcer l'incitation à investir, la conclusion qu’on a coutume d’en tirer est l’exact contraire de la vérité.
L'analyse nous amène à conclure que, dans les conditions contemporaines, la croissance de la richesse, loin de dépendre de l'épargne des milieux aisés comme on le croit en général, a plus de chance d'être contrariée par elle. Ainsi disparait l’une des principales justifications sociales des grandes inégalités de fortunes.


En clair (parce que la formulation keynésienne est parfois un peu compliquée), si l'on affecte les recettes fiscales tirées de la taxation des hauts revenus à l'abaissement des taxes sur la consommation et les revenus des plus modestes, alors on incite ces derniers à la consommation. Or c'est la consommation, lorsqu'elle est anticipée par les producteurs, qui stimulent la production. La consommation en France est bien le premier moteur de la croissance. Et la croissance permet de résorber le chômage (pour aller vite).

Problème : 80 ans après Keynes, nous sommes dans des économies relativement ouvertes (même si la période de crise conduit les états à des mesures protectionnistes, comme l'a fait remarquer hier la Banque Mondiale), et stimuler la consommation en période de crise peut bien favoriser les importations plus que la demande de produits intérieurs. Cela dit, nos principaux partenaires commerciaux étant nos voisins (dans l'ordre Allemagne, Benelux, Italie, Espagne et Royaume-Uni : ces 5 pays représentent plus de 50% de nos échanges extérieurs) on voit donc que des mesures conjointes en direction des consommateurs pourraient être, à coup sûr, efficaces. Mais pour cela il faut parvenir à s'entendre sur la stratégie à adopter, et ce problème est plus politique qu'économique.

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lundi 9 mars 2009

Peur du changement ?

Comme presque tous les jours, j'ouvre mon navigateur internet préféré : mes pages visitées les plus régulièrement s'affichent et je clique sur mon espace Netvibes pour y accéder.

Parmi tous les flux, je remarque le nouvel élément chez Martin Vidberg, un dessin à propos de la vie des bloggeurs. C'est un article du Monde qui l'a inspiré, je vais lire de quoi il retourne. Hypertextualité quand tu nous tiens. L'article est étrange, un peu sur le mode "les blogs sont au journalisme ce que McDo est aux produits bio", il laisse une impression bizarre.

Dans l'article est cité Nicolas Vanbremesch alias Versac. Il est dans mes contacts Facebook, je trouverais certainement sur son "mur" un commentaire sur cet article. Pas loupé, l'intéressé reproche à cet article d'avoir quelques années de retard, et relaie un peu plus tard un article de François B. (phnk et Polit'bistro, j'en parlais dans mon dernier billet).

François s'énerve sur le Polit'Bistro : selon lui le journaliste s'est fourvoyé dans sa critique de l'activité des bloggeurs, et il le démontre de manière assez efficace. Ma première impression trouve confirmation. Le recoupement des sources du journaliste est assez limite, la distanciation et l'objectivation pêche également. Pourtant il s'agit là des piliers du métier de journaliste, que l'on ne manque pas de retrouver cités dans l'article du Monde incriminé. Les commentaires du billet sur Polit'bistro sont tout aussi intéressants, et Bouillaud y rappelle que LeMonde.fr lui-même héberge des non-journalistes sur sa plate-forme de blogs, dont Martin Vidberg.

Ah oui, c'est vrai que j'étais parti de ce dessin de Vidberg. Je retourne à Netvibes, un nouvel article est tombé sur le fil du Monde, "Une soirée organisée sur Facebook dégénère".

Intrigant, je clique. Je lis. A Tours samedi soir, une soirée dont l'origine était une page Facebook (c'est un peu le descendant du flash-mob version festive) tourne mal, sans que l'on sache qui de la police ou des jeunes ont commencé les premiers a jeté des projectiles sur les autres. Et la soirée est racontée par la journaliste. Pour les détails voici les sources qu'elle a utilisé : un groupe Facebook, un compte Twitter, une vidéo sur DailyMotion, trois blogs... Elle risque d'avoir un problème avec son collègue de rédaction, quand l'un tape sur les bloggeurs, l'autre s'en sert comme source. Attention à la schizophrénie.

Finalement ce qui change le plus ce n'est peut-être pas tant le fait que les bloggeurs piquent le travail des journalistes (même si on comprend qu'il n'est pas forcément rassurant d'imaginer perdre son emploi, le "journaliste-citoyen" est plus un construit des journalistes qu'une réalité). C'est plutôt que le travail de journaliste s'en trouve modifié : les sources sont différentes, parfois elles alimentent plus rapidement les rédactions et peuvent même faciliter le travail du journaliste dans son enquête.

Si les journalistes (les professionnels) ont peur des bloggeurs (les amateurs) c'est probablement qu'ils pensent que ces derniers les concurrencent dans leur rôle de media. Pourtant les bloggeurs sont souvent plus des relais que des concurrents, et les media ont besoin de ces relais. En effet, des études en psychologie sociale (menée par Paul Lazarsfeld au Bureau of Applied Social Research de l'Université Columbia dans les années 40, ça ne date pas d'hier) ont montré que ce qui influait un individu n'était pas tant le message asséné par un media que son relais assuré par un membre de la famille ou d'un groupe dans lequel dans l'individu est socialisé. Les journalistes gagneraient sûrement à considérer les bloggeurs comme un relais de plus, mais un relais qui a la capacité, grâce au fameux buzz, de leur remonter les commentaires sur leur travail. Un aiguillon, une pression supplémentaire pour toujours plus d'exigence.

Tiens, j'ai un nouveau message sur ma messagerie Facebook, j'avais pas remarqué. Manuel me balance un lien, vers le blog d'Antoine Doyen, photojournaliste. Selon lui, La presse web veut la peau des photojournalistes. La faute à qui ce coup-ci ? La presse web qui veut plus payer les photographes ? Où les amateurs qui viennent là encore concurrencer les pros ?

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